Monnaies numériques de banque centrale (MNBC) – C’est quoi et comment fonctionnent-elles ?
La majorité des économies mondiales considèrent l’émission d’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC). Dans ce dossier, on vous explique ce que sont les MNBC, en quoi elles diffèrent des cryptomonnaies, et quels sont les projets de monnaie numérique de banque centrale les plus avancés.
À quoi servent les monnaies numériques de banque centrale ?
Les monnaies numériques de banque centrale (MNBC) sont des versions exclusivement numériques des monnaies fiat émises par diverses banques centrales. Elles fonctionnent avec des registres en réseau, qui permettent d’enregistrer les transactions. Les MNBC sont centralisées : elles sont uniquement émises par la banque centrale du pays ou de la région et ne reposent a priori pas sur un réseau de mineurs, à l’inverse du Bitcoin (BTC) par exemple.
Tout comme pour les monnaies fiat « classiques », les monnaies numériques de banque centrale seront adossées à des réserves monétaires, comme de l’or ou des réserves de change. Il s’agit d’un équivalent de la monnaie de papier, sauf qu’une MNBC (CBDC en anglais) existe uniquement de manière numérique.
La majorité des monnaies fiat d'ampleur sont bien sûr déjà numériques, mais la différence est que les MNBC sont vouées à exister par elles-mêmes, au-delà des réseaux bancaires que l'on utilise communément. Cela pose par ailleurs question sur le rôle des banques, qui pourraient voir leur rôle se réduire. Certains estiment même que ce sont bien les MNBC, et pas les cryptomonnaies, qui représentent le danger le plus grand pour les banques commerciales.
La plupart des MNBC sont en 2021 au stade de projet. C’est-à-dire que des recherches sont effectuées par les banques centrales, et des preuves de concept sont publiées, mais très peu de pays ont à ce stade une version fonctionnelle de leur monnaie numérique. On note aussi qu’il existe une grande diversité dans les projets, avec différents niveaux de centralisation et d’anonymat pour les monnaies numériques de banque centrale.
MNBC : des usages qui varient
Il existe deux grandes catégories de monnaies numériques de banque centrale. On trouve d’une part les MNBC destinées au grand public, qui seront détenues par les citoyens d’un pays ou les entreprises. Elles ont pour but de circuler librement, au même titre que des espèces.
De l’autre côté, il existe des projets de MNBC destinée à une utilisation interne par les institutions financières et les banques. Ces dernières servent à régler des transactions de manière rapide et sécurisée.
Lorsqu’il est question de monnaie numérique de banque centrale, c’est cependant souvent le premier cas d’utilisation qui est sous-entendu, car c’est celui qui pourrait transformer en profondeur la manière dont les habitants d’un pays échangent de l’argent.
Les MNBC sont-elles des cryptomonnaies ?
On l’a vu, les MNBC sont donc proposées de manière exclusivement numérique, grâce à un registre partagé. On peut donc se demander s’il s’agit de cryptomonnaies ou non. Là aussi, la réponse varie en fonction du projet. Plusieurs pays ont fait des tests avec des blockchains : c’est le cas par exemple de l’Australie, qui a choisi de mener une recherche avec ConsenSys et Ethereum. La Banque de France ferait également des tests avec Tezos (XTZ) et Ethereum (ETH). Dans ces cas, les MNBC pourraient s’approcher de cryptomonnaies, d’un point de vue technique.
Il faut cependant aussi prendre en compte leur niveau de décentralisation. Selon certains commentateurs, une monnaie centralisée ne peut par nature pas être une cryptomonnaie, puisque cela va à l’encontre d’un des éléments fondateurs de la blockchain. Le Bitcoin a été créé spécifiquement avec pour ambition de se défaire des monnaies fiat et des banques centrales. C'est pourquoi les deux types de monnaie numérique sont souvent renvoyés dos à dos.
? Plus d’infos sur le projet Tezos (XTZ)
Blockchain ou pas blockchain ?
La numérisation d’une monnaie fiat ne passe cependant pas obligatoirement par une blockchain. Il semblerait ainsi que le « yuan numérique » de la Chine ne fasse pas usage de cette technologie, bien que l'on n’en soit pas encore certain. On note cependant que la blockchain reste très largement utilisée : plus de 88 % des projets de MNBC reposent ainsi sur cette technologie, selon un rapport de PwC datant d’avril 2021.
Le rapport souligne plusieurs avantages à la blockchain, notamment sa grande sécurité, la programmabilité des smart contracts, ainsi que sa transparence. Les possibilités en termes de confidentialité ont également été soulignées, ce qui rapprocherait les MNBC des espèces, qui sont historiquement peu traçables. C’est pourquoi les banques centrales semblent privilégier cette option.
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Quelques MNBC en développement dans le monde
En janvier 2021, un sondage de la Banque des règlements internationaux (BRI) révélait que 86 % des banques centrales travaillaient sur des monnaies numériques. Toutes ne sont cependant pas au même stade, comme le montre la carte de CBDC Tracker, qui recense les projets de monnaies numériques de banque centrale :
Source : CBDC Tracker
Voici une liste non exhaustive des projets de monnaies numériques de banque centrale notables :
La Chine : la monnaie numérique de banque centrale la plus avancée
La Chine est l’économie d’ampleur la plus avancée en termes d’émission d’une monnaie numérique – et de loin. Le gouvernement mise en effet sur son yuan numérique pour concurrencer le dollar, et il a accéléré le développement de sa MNBC depuis 2020.
Le yuan numérique a été testé dans plusieurs commerces au début de l’année 2021, et le portefeuille dédié à l’actif a été ouvert à 47 millions de Chinois à la même période. Depuis, des salaires ont commencé à être versés en yuan numérique, et plus de 3 000 distributeurs dédiés ont été déployés à Pékin.
La Chine est donc bel et bien la première dans la course aux monnaies numériques de banque centrale. Il y a fort à parier que lorsque sa MNBC sera proposée au grand public, cela donnera un nouveau coup d’accélérateur aux autres projets mondiaux, qui ne souhaitent pas se laisser distancer par le mastodonte économique chinois. Le top départ sera certainement donné à l'occasion des jeux olympiques d'hiver de 2022, qui auront lieu à Pékin.
? Pour aller plus loin – Le yuan numérique de la Chine : l’atout majeur de la nouvelle grande puissance économique
La Turquie – Une MNBC comme bouée de sauvetage
La lire numérique de la Turquie fait également partie des projets les plus avancés. À la fin du mois de décembre 2020, le gouverneur de la banque centrale de Turquie avait annoncé que la phase conceptuelle du projet de monnaie numérique était achevée, et que la phase de test débuterait au deuxième semestre 2021. Le pays devrait proposer une MNBC complète dans les deux prochaines années.
La Turquie est motivée par deux facteurs, avec d’une part, l’adoption croissante des cryptomonnaies dans le pays. Le territoire est en effet un des marchés globaux les plus dynamiques. La deuxième raison, c’est la chute de la lire turque (TRY), dont le cours plonge depuis des années. Ankara espère ainsi revaloriser sa monnaie fiat.
Cours de la lire turque (TRY) - Source : Xe.com
Très peu d’informations sont disponibles sur cette lire numérique, mais il semblerait que la banque centrale du pays se soit concentrée sur la blockchain pour commencer cette phase de tests.
? À lire – La Turquie interdit les paiements en cryptomonnaies
La Banque de Suède : l'une des plus avancées en Europe
La Banque centrale de Suède figure parmi les plus avancées au sein de l’Europe. Dès décembre 2019, elle avait lancé un environnement de test pour son « e-krona », avec des expérimentations qui pourraient être reconduites sur plusieurs années. Du point de vue politique, l’émission d’une monnaie numérique de banque centrale n’a pas été officiellement confirmée, mais le projet avance.
La Riskbank a récemment expliqué qu’elle était passée à la phase 1 de son projet pilote. Elle permettra de mesurer les effets qu’une MNBC pourrait avoir sur l’économie suédoise. L’e-krona commencera également à être testé d’un point de vue technique au cours de l’année 2021.
Les États-Unis : entre méfiance et opportunité
Les États-Unis se sont distingués par une très grande méfiance à l’égard des monnaies numériques de banque centrale. À la fin de l’année 2019, on apprenait cependant que la Réserve fédérale (Fed) avait commencé à expérimenter autour d’un dollar numérique. Mais les informations sont peu nombreuses, et les déclarations des institutions ne semblent pas mettre ce projet en priorité. En 2020, le parti démocrate avait proposé un dollar numérique pour le plan de relance de l’économie américaine, mais il n’avait pas été retenu dans le texte de loi final.
La Réserve fédérale américaine travaille quand même en tandem avec le MIT pour élaborer une plateforme technologique qui pourrait mener à un « e-dollar ». Mais le président de la banque centrale des États-Unis, Jerome Powell, a confirmé récemment que l’institution adoptait volontairement une approche extrêmement prudente.
Les choses patinent donc pour le dollar numérique américain, au point que des initiatives venues du privé se soient développées pour apporter un changement. En mai 2021, l’organisation à but non lucratif Digital Dollar Project avait ainsi annoncé le lancement de cinq programmes pilotes pour tester les potentiels cas d’utilisation d’une MNBC américaine. De son côté, la « Fed » devrait sortir une note de recherche au cours de l’été 2021.
L’euro numérique : un lent développement au niveau européen
Au niveau européen, on assiste également à une grande prudence. Le projet de monnaie numérique de banque centrale est bel et bien sur les rails, mais sa sortie devrait prendre de nombreuses années. Les prises de décision ont tardé, et Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), estime que l'on ne verra pas d’émission de l’euro numérique avant 2025 au minimum.
Il faut dire que l’impact de l’euro numérique pourrait être considérable. Selon la banque Morgan Stanley, il pourrait drainer jusqu’à 8 % des réserves en euros conservées par les banques. On sait pour l’instant peu de choses sur l’euro numérique, mais il est probable que les wallets numériques aient une limite de dépôt, qui pourrait être fixée à 3 000 euros par personne.
On note aussi que la Banque de France est fortement impliquée dans ce projet, et travaille à l'élaboration des spécificités interbancaires de l'euro numérique.
? Plus d’infos à ce sujet – Euro numérique – Quels sont ses avantages et ses inconvénients ?
Conclusion
Les projets de monnaies numériques de banque centrale sont donc en majorité dans des phases d’approche et de tests. Il est cependant notable que l’immense majorité des institutions financières souhaitent numériser leurs monnaies fiat, et qu’elles s’appuient pour cela sur des technologies blockchain.
Par nature, un changement de ce type prendra cependant beaucoup de temps, ce qui laisse une opportunité aux monnaies numériques et cryptomonnaies issues du privé de se développer. On pense en particulier aux stablecoins, par exemple Tether (USDT) ou l'USD Coin (USDC) pour le dollar. Les technologies avançant très rapidement, il est en tout cas probable que le paysage soit très différent en 2025 qu’il ne l’est aujourd’hui.
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Tout est dans les détails concernant les données techniques , le fait que ces monnaies soient adossées à de l’or ou un autre support , emprunts etc , et non pas créées ex nihilo comme le bitcoin qui ne procède que la. Dépense de calcul et d’énergie en contrepartie d’une sécurité de l’anonymat qui n’existe plus s’il est stocké sur une bourse d’échange ! Et bien trop energivore et inflationniste pour des transactions ordinaires quand à sa « qualité d’or numérique » autant choisir le vrai or universel et intemporel ! Sans compter la concurrence des autres cryptos beaucoup plus smart comme… Read more »