Pourquoi l'État devrait accepter le Bitcoin (BTC) pour payer les impôts et taxes ?

L'État aurait-il intérêt à accepter le Bitcoin (BTC) pour payer impôts et taxes ? Véritable réserve de valeur, la mère des cryptomonnaies permettrait d'attirer les investisseurs du secteur, de proposer une fiscalité plus transparente, inclusive et simplifiée, et d'encourager la production d'énergie verte. On fait le point sur tous les atouts du Bitcoin pour les paiements d'impôts et de taxes.

Pourquoi l'État devrait accepter le Bitcoin (BTC) pour payer les impôts et taxes ?

Une adoption du Bitcoin en pleine accélération

Le Bitcoin enchaîne les records. Début 2021, le cours du BTC est passé au-dessus des 50 000 dollars avant de subir une légère correction. Dans ce contexte d'euphorie, la doyenne des cryptomonnaies attire de plus en plus d'investisseurs institutionnels. Par exemple, le géant de l'investissement BlackRock a officiellement annoncé son intérêt pour la cryptodevise. Grayscale, un autre célèbre gestionnaire d'actifs, a acheté 632 800 BTC, soit plus de 3% de l'entièreté des bitcoins actuellement en circulation.

En parallèle, de nombreuses entreprises convertissent une partie de leur trésorerie en Bitcoin. Sous l'impulsion de son PDG Michael Saylor, MicroStrategy a acheté à plusieurs reprises du BTC. Peu après, Tesla a investi 1,5 milliard de dollars dans le Bitcoin, soit 8 % des 19 milliards de dollars de liquidités du groupe automobile. En miroir de Tesla et MicroStrategy, l’entreprise allemande SynBiotic va transférer une partie de ses liquidités en bitcoin.

Alors que le Bitcoin devient mainstream, l'État reste inexorablement à la traîne. Que ce soit en France, en Belgique ou dans la plupart des pays d'Europe, le pouvoir en place affiche un important retard dans l'adoption de la cryptomonnaie. Pour certains ministres français, Bitcoin rime encore avec terrorisme. Néanmoins, l'État aurait-il tout intérêt à amasser du bitcoin et à autoriser les paiements des taxes et impôts avec des cryptomonnaies ? On fait le point sur la question.

« Rien ne s'inscrit mieux dans une politique durable qu'un paiement des impôts en bitcoin », estime Nicolas Cantu, fondateur de Chain Accelerator, l'accélérateur de startups Blockchains situé à Station F, dans une interview accordée à Cryptoast.

Une réserve de valeur, comme l'or 

Tout d'abord, l'ouverture des paiements en bitcoin permettrait à l'État d'amasser rapidement de la cryptomonnaie. Comme l'or, le Bitcoin est une réserve de valeur. Pour beaucoup d'investisseurs, le BTC est une valeur refuge permettant de se protéger des aléas des marchés et de l'économie.

Comme le métal doré, la cryptomonnaie est disponible en quantité limitée. Lors de sa création, Satoshi Nakamoto, le créateur de la devise, a fixé la quantité maximale de Bitcoins qui seront émis à 21 millions. Le BTC conserve donc une valeur intrinsèque, indépendamment des politiques monétaires et des éventuelles crises économiques.

Bitcoin Or

Cette réserve de bitcoin servirait à protéger les avoirs de l'État contre l'inflation des monnaies fiduciaires. Dans un monde où la Réserve Fédérale américaine (FED) comme la Banque centrale européenne (BCE)  impriment des billets à tout va dans le but de stabiliser le système financier, une réserve de bitcoin pourrait permettre aux États d'assurer leurs arrières.

Pour beaucoup d'observateurs, la politique d’assouplissement quantitatif (quantitative easing) consistant à racheter de la dette publique et des actifs financiers pour stimuler artificiellement l'économie mènera inéluctablement à l'inflation. Axel Weber, président d’UBS, société de services financiers suisse, estime que l'inflation dépassera les 3% aux États-Unis et les 2% dans la zone euro d'ici le mois de mai 2021.

« Les investisseurs pensent que les plans de relance, la politique de taux zéro des banques centrales et les progrès de la vaccination vont certes faire repartir l’économie, mais aussi conduire à une surchauffe et à une reprise de l’inflation », explique Le Monde dans un article paru ce 26 février 2021.

D'ailleurs, de nombreux pays touchés par l'hyperinflation de leur monnaie nationale se sont massivement tournés vers la mère des cryptomonnaies. Au Venezuela, au Soudan ou encore au Nigeria, le Bitcoin s'est imposé comme un actif anti-crise, une planche de salut capable de protéger les économies des citoyens.

Séduire les investisseurs du secteur des cryptomonnaies

Comme on vous le disait plus haut, de nombreux investisseurs se tournent vers les cryptomonnaies. Suivant l'exemple de Tesla, Microstrategy, GrayScale et BlackRock, des milliers de firmes s'apprêtent à investir dans le secteur, que ce soit en convertissant leurs liquidités en bitcoin ou en plaçant leurs avoirs dans des projets liés à la blockchain. En acceptant le paiement des impôts et des taxes en BTC, l'État pourrait attirer leurs capitaux.

« Aujourd'hui, si on est une boîte française et qu'on veut convertir une partie de sa trésorerie en Bitcoin, on doit passer par une banque asiatique ou américaine », regrette Nicolas Cantu.

Elon Musk

Un impôt totalement transparent

Ces dernières années, la confiance accordée par les Français au gouvernement s'est réduite comme peau de chagrin au rythme des scandales politiques. La défiance des citoyens à l'encontre du pouvoir en place atteint des niveaux record.

D'après une enquête réalisée Centre d’études de la vie politique française en février 2020, 70% des Français n'ont pas confiance dans le gouvernement. 64% des citoyens considèrent même que la démocratie ne fonctionne pas en France.

En misant sur le Bitcoin, l'État pourrait enfin regagner la confiance des citoyens. Grâce à la technologie blockchain, n'importe qui serait en mesure de surveiller comment le pouvoir en place utilise l'argent des impôts et des taxes. En effet, la chaîne de blocs conserve un historique infalsifiable et inaltérable de toutes les transactions.

D'ailleurs, la blockchain est déjà utilisée pour garantir une meilleure traçabilité des produits agricoles et concevoir des certificats d'authenticité infalsifiables pour les oeuvres d'art.

« Ce serait assez unique d’avoir ce niveau d’audit parce que ce serait à la portée de n’importe qui, sans avoir besoin d’un cabinet ou de quoi que ce soit. On serait capable de savoir, une fois sur le wallet de l’État, comment ils vont être dépensés, vers où ils vont aller. La blockchain est publique. On n’a rien besoin de demander à qui que ce soit, on fait un appel sur un des noeuds de la blockchain et on aura la liste des entrées et des sorties qui correspondent. C’est une expérience "Dont Trust, Verify" auprès de l’État », explique Nicolas Cantu.

D'ailleurs, notez que le portefeuille de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis & confisqués (AGRASC) de France est connu. En consultant la blockchain, il est déjà possible de « surveiller » les transferts de bitcoin en provenance ou à destination de ce portefeuille.

Cet exemple montre qu'il serait aisément possible de tracer la manière dont le gouvernement utilise l'argent public. In fine, la technologie blockchain intégrée à la fiscalité serait en mesure d'empêcher les détournements de fonds ou les fraudes.

« Autant sur la partie Bitcoin, c'est très transparent : on voit tout ce qui rentre et tout ce qui sort. En revanche, l'AGRACS a beaucoup plus de mal à avoir un suivi des actifs traditionnels, comme des voitures, des maisons, des oeuvres d'art... », explique William O'Rorke, associé cofondateur du cabinet ORWL Avocats, spécialisé dans la blockchain et le Bitcoin, à Cryptoast.

Un accès simplifié à la fiscalité

Les paiements d'impôts et de taxes en cryptomonnaies permettraient aussi d'offrir un accès simplifié à la fiscalité aux citoyens, notamment aux individus qui ne disposent pas de compte bancaire. D'après les données de la Banque mondiale, 31 % de l’humanité, soit 1,7 milliard de personnes, n'ont d'ailleurs pas de compte en banque.

C'est surtout le cas dans les pays en cours de développement. En Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient et en Asie du Sud, moins de 20 % des adultes seulement détiennent un compte en banque, précise la Banque mondiale. Pour transférer de l’argent à de proches résidents dans des pays étrangers sans aucuns frais, ils sont déjà nombreux à miser sur les paiements par mobile et sur les cryptomonnaies. Dans ce contexte, on ne s'étonnera pas que le Bitcoin soit plus populaire en Afrique que dans le reste du monde.

Selon la Banque mondiale, 12 % de la population d’Afrique subsaharienne, soit environ 64 millions d’utilisateurs, ont recours au téléphone pour faire leurs paiements. L'adoption du BTC comme moyen de paiements des taxes et impôts pourrait permettre d'inclure tous ces individus, rodés aux paiements mobiles, à la fiscalité.

« Un adulte sur deux de bancarisé, c’est aussi un adulte sur deux qui est en mesure de payer ses impôts », note le fondateur de Chain Accelerator.

In fine, l'acceptation des paiements en BTC permettrait à certains États d'augmenter drastiquement leurs recettes. Plus les citoyens sont en mesure de payer leurs taxes et impôts, plus l'État engrange de l'argent. Concrètement, il suffirait d’avoir un téléphone mobile et une connexion Internet pour payer ses impôts.

« L'Afrique a une opportunité de leapfrog (NDLR : un bond technologique) sur les protocoles monétaires et de paiement », analyse Nicolas Cantu.

Un moyen plus vert pour payer ses impôts 

Contrairement aux idées reçues, le Bitcoin permet de développer de l'énergie verte, renouvelable et respectueuse de l'environnement. En effet, le minage de la cryptomonnaie repose essentiellement (73%) sur de l'énergie renouvelable, révèle un rapport de CoinShare paru en 2019.

La plupart des fermes de minage de BTC sont implantées dans des régions qui disposent d'importantes sources d'énergie, comme la province du Sichuan (Chine).

bitcoin énergie renouvelable verte

Selon Sebastien Gouspillou, cofondateur et président de Bigblock Datacenter, le Bitcoin est un excellent outil permettant de financer la construction d'un barrage hydroélectrique, d'un parc d'éoliennes ou d'un parc solaire.

« Le minage peut permettre à des projets d’électricité renouvelable, qui ne sont pas encore rentables, de voir le jour dès à présent », met en avant Sebastien Gouspillou lors d'une précédente interview accordée à Cryptoast.

De facto, la collecte d'impôts et de taxes en BTC pourrait permettre à l'État d'encourager la production d'énergie verte. La taxe perçue en bitcoin pourrait même s'inscrire dans un cercle vertueux visant à sanctionner les entreprises qui polluent le plus.

« On peut imaginer le principe du pollueur-payeur, mais payé en Bitcoin, et ça a des avantages. Déjà, le BTC utilise plus d’énergie verte que le fiat traditionnel, ça rétablit un peu l’équilibre », souligne Nicolas Cantu.

La réalité suisse, l'échec de l'Ohio et le projet de Miami

Plusieurs administrations se sont déjà penchées sur l'utilisation du BTC dans le cadre de la collecte des impôts et taxes. En Suisse, dans le canton de Zoug, il est déjà possible de payer ses taxes et impôts avec des cryptomonnaies (BTC et ETH). Grâce à cette collaboration avec Bitcoin Suisse, le canton cherche à s'imposer comme un territoire ouvert aux devises numériques. Il s'agit essentiellement d'une opération de communication visant à séduire les investitures intéressées par les cryptoactifs.

Notez que le système de paiement de Zoug ne permet pas aux autorités de collecter des BTC ou des ETH. Les cryptomonnaies envoyées par le contribuable sont en effet automatiquement converties en francs suisses.

Suisse

En Ohio (États-Unis), il était possible de payer ses impôts en bitcoins entre le mois de novembre 2018 et octobre 2019. Après plusieurs mois, l'État s'est rendu compte que moins de 10 entreprises ont utilisé la plateforme mise au point par BitPay. Sans surprise, les possesseurs de BTC estimaient plus avantageux de régler taxes et impôts avec des dollars qu'avec des cryptomonnaies. Là encore, il s'agit essentiellement d'une opération de communication.

Plus récemment, Miami a aussi annoncé son intention d'autoriser les résidents à payer leurs impôts locaux avec du BTC. Bien décidé à faire de Miami une ville pionnière en matière de cryptomonnaies, Francis Suarez, maire de la cité, souhaite aussi convertir une partie de la trésorerie en bitcoin. Dans ce cas-ci, la fiscalité ouverte aux cryptomonnaies permettra à la ville d'amasser du Bitcoin en guise de réserve de valeur. Surtout, l'annonce vise à attirer les entreprises du secteur en Floride.

? Pour aller plus loin - Miami : le nouvel eldorado pour le Bitcoin (BTC) et les cryptomonnaies ?

Et en France ?

Sans surprise, la France est loin d'envisager l'idée de collecter des impôts et des taxes en cryptomonnaies. Interrogé par nos soins, William O'Rorke estime que l'État français n'a aucun intérêt à proposer le paiement d'impôts dans une autre monnaie que l'Euro.

« L'État n'a aucun intérêt à le faire. La France est liée à l'euro par des traités européens. Ce serait complètement contre-nature pour l'État de commencer à demander aux gens de payer des impôts en Bitcoin », explique William O'Rorke, avant de préciser : « On n’est pas obligé d'utiliser l'euro en France, mais on ne peut pas le refuser. C'est une monnaie un peu obligatoire ».

De plus, le cadre légal français, plutôt rigide, ne permettrait pas facilement d'ouvrir la fiscalité à des devises alternatives à l'euro. Sans aval du gouvernement, il est donc impossible qu'une ville française se mette à accepter les paiements d'impôts dans une autre devise que l'euro.

« En France, la fiscalité des collectivités locales est gérée par Bercy. C'est une décision qui doit être mise en œuvre par Bercy, donc Bruno Le Maire et Emmanuel Macron. C'est l'État central qui devrait passer une loi pour autoriser les paiements d'impôts en bitcoin », détaille William O'Rorke.

On espère que ce dossier consacré à la question du paiement d'impôts et de taxes en bitcoin vous plaira. Nous remercions chaudement Nicolas Cantu et William O'Rorke pour leurs précieuses réponses. Si une erreur s'est glissée dans ce dossier malgré notre vigilance, ou si vous souhaitez donner votre avis sur la question, on vous invite à nous en faire part dans les commentaires ci-dessous.

👉 Retrouvez tous les autres dossiers de Florian Bayard

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Aragon

Comme vous, je suis passionné par la blockchain and Cie. Je pense toutefois qu'il faut largement tempérer vos propos. Le BTC, une réserve de valeur ? - "le BTC est une valeur refuge permettant de se protéger des aléas des marchés et de l'économie" - "Cette réserve de bitcoin servirait à protéger les avoirs de l'État contre l'inflation des monnaies fiduciaires". Tout investisseur peut avec du recul et un peu de discernement dire que le marché des crypto actifs est hautement spéculatif, il est aussi "casse gueule". Je ne vois vraiment pas quel serait l'intérêt pour un état de récolter… Read more »

Remi

La volatilité d’un actif ne remet en pas en cause le fait que ce soit une réserve de valeur.... depuis sa création, BTC est l’actif le plus performant qui ai jamais existé....Si il arrive à s’imposer, il va devenir l’étalon et remplacer l’or dans la décennie à venir.
Tout investisseur avisé à des BTC dans son portefeuille d’actifs....

Schumii

" Si il arrive à s’imposer, il va devenir l’étalon et remplacer l’or dans la décennie à venir. Tout investisseur avisé à des BTC dans son portefeuille d’actifs.... "

Mouhahahahahahahaha ;'D merci j'ai bien ri !

Azeufack

Évidemment

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