Le Bitcoin (BTC) est-il trop dépendant de la Chine ?
Le Bitcoin (BTC) entretient un rapport particulier avec la Chine. Très populaire auprès des investisseurs chinois, plus de 65% du hashrate de Bitcoin provient d'ailleurs des fermes de minage situées sur le territoire. L'influence de Pékin représente-t-elle un danger pour le Bitcoin ? Enquête.
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La relation du Bitcoin avec la Chine
La Chine a toujours entretenu un lien étroit avec le Bitcoin (BTC). Dès 2013, une relation d'amour et de haine s'est développée entre le pays et la mère des cryptomonnaies. La Chine était d'ailleurs l'un des premiers pays à embrasser avec enthousiasme la monnaie numérique.
De nombreuses entreprises chinoises se sont mises à accepter le Bitcoin en guise de paiement cette année-là. C'est notamment le cas de Baidu, le moteur de recherche le plus populaire de Chine. En octobre 2013, le Google chinois décidait d'accepter les paiements en BTC pour Jiasule, son service de pare-feu.
Dans un premier temps, la position des autorités chinoises vis à vis du Bitcoin est restée très ambiguë. Fin 2013, le gouvernement chinois a mis en place plusieurs restrictions à l'encontre de la devise. La Banque centrale chinoise a notamment interdit à ses banques locales toute transaction en BTC.
En parallèle, le gouvernement a prohibé les opérations en cryptomonnaies aux services de paiements en ligne comme Alipay. Néanmoins, les particuliers restaient libres d'échanger des yuans chinois contre du Bitcoin sur des exchanges.
Depuis 2013, la Chine enregistre une forte demande pour le bitcoin
Malgré les restrictions de la Banque centrale chinoise et les préoccupations grandissantes des autorités concernant le blanchiment d'argent, les investisseurs intéressés par le BTC se sont rapidement multipliés en Chine.
Dès 2015, les transactions impliquant le yuan chinois représentent 80% du volume des transactions en BTC dans le monde, selon une étude de Goldman Sachs. Dès mai 2016, ce taux grimpe à 95%, souligne un rapport de Coindesk.
Grâce à l'engouement des investisseurs chinois, le cours du Bitcoin s'est rapidement envolé au-delà des 500 dollars. Craignant que la Banque populaire de Chine ne dévalue le yuan, de nombreux épargnants se sont en effet tournés vers la monnaie numérique pour protéger leurs avoirs.
Même son de cloche lors de l'annonce du contrôle des capitaux en 2015. Véritable valeur refuge contre l'inflation, le Bitcoin est très populaire dans les pays en crise ou dans les régions où les gouvernements imposent des restrictions aux banques.
« Si des centaines de millions de Chinois décident au même moment de recourir au bitcoin pour contourner le contrôle des capitaux, alors attendez-vous au retour de la bulle Bitcoin, » soulignait le média financier dédié à la bourse de Wall Street ZeroHedge en 2015.
Fin 2016, alors que la valeur du yuan plongeait en flèche, 99% des transactions BTC provenaient de la Chine, montre un graphique de BitcoinCharts (voir ci-dessous). Toute augmentation de la demande en Chine avait donc un impact direct sur le cours de la cryptomonnaie. In fine, le cours du BTC dépendait en partie des mesures instaurées par les autorités communistes.
En 2017, les choses ont changé. Cette année-là, la Chine a interdit tous les échanges en cryptomonnaies et les ICO (Initial Coin Offering), entrainant la fermeture de nombreux exchanges réservés aux utilisateurs chinois. Mais malgré les interdictions imposées par Pékin, le pays comptait encore trois millions de détenteurs de bitcoin en juin 2018. Pour continuer à échanger du BTC, de nombreux investisseurs résidents en Chine se sont simplement rabattus vers plateformes basées à Hong Kong, un territoire indépendant où les cryptos évoluent dans une zone grise.
Fin 2018, Hong Kong représentait d'ailleurs 30 % des échanges en BTC dans le monde, selon le rapport de Jean-Pierre Landau, ancien sous-gouverneur de la Banque de France. En Chine, il n'est en effet pas illégal de posséder des cryptodevises. Celles-ci sont considérées comme des propriétés virtuelles. La législation interdit uniquement les paiements et transactions.
Plus de 60% des fermes de minage sont localisées en Chine
D'après le dernier rapport réalisé par CoinShare en décembre 2019, 65% des fermes de minage de bitcoin se trouvent en Chine. Le pays abrite notamment Bitmain et Canaan, deux grands constructeurs de matériel destiné au mining de cryptomonnaies.
Dans le détail, 54% des infrastructures sont localisées dans la province chinoise du Sichuan. Les 34% restants sont partagés dans les pays suivants : les États-Unis, le Canada, l’Islande, la Norvège, la Suède, la Russie, le Kazakhstan, la Géorgie et l’Iran.
Une importante partie du hashrate dépend donc des fermes de mining sur le territoire chinois. Un chiffre en hausse par rapport à 2017. Une carte mise au point par le Cambridge Centre for Alternative Finance (CCFAF) abonde dans le même sens.
En avril 2020, 65,08% de la puissance du réseau bitcoin dépendait des infrastructures basées en Chine. Néanmoins, les informations collectées par la CCFAF montraient que la domination de la Chine tend plutôt à s'amenuiser. La tendance s'est accentuée depuis l'halving.
Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que les défenseurs du bitcoin redoutent beaucoup que la République populaire finisse par exclure les fermes de minage de son territoire, en invoquant notamment des raisons écologiques.
Depuis plusieurs années, la Chine accuse en effet les mineurs de gaspiller l'énergie et de polluer l'environnement. Les autorités chinoises ont régulièrement proféré des menaces à l'encontre de la communauté de mineurs installée dans le pays. En avril 2019, la Commission nationale du développement et de la réforme (CNDR) de Chine plaçait d'ailleurs le minage sur la liste de 450 activités industrielles polluantes à interdire dans les plus brefs délais.
Finalement, Pékin a fait volte-face. Le gouvernement chinois cherche désormais à réguler l'activité des mineurs en Chine. Depuis janvier 2020, les autorités chinoises mènent des inspections dans les fermes de mining.
Ces inspections visent à identifier les infrastructures minières qui profitent de politiques gouvernementales préférentielles et de tarifs avantageux en matière d'électricité sans contribuer à l'économie réelle. Concrètement, la Chine traque les fermes qui ne paient pas de taxes à hauteur de leurs profits réels.
Dans le cadre de ces enquêtes, la police chinoise a arrêté 22 suspects présumés impliqués dans des activités illégales de minage. Pour l'heure, seuls 6 pays ont banni les mineurs de BTC de son territoire : l'Iran, le Bangladesh, la Bolivie, l'Équateur, le Kirghizistan et le Népal. Craignant que la Chine ne leur emboîte le pas, de nombreux mineurs chinois expatrient leurs fermes dans d'autres contrées, notamment en Asie du Sud-Est.
Ces nouvelles restrictions visent aussi à contraindre les mineurs à fournir des infrastructures dédiées aux technologies blockchain appuyées par l'Etat, rapporte le Global Times, un quotidien chinois proche du pouvoir. Le gouvernement chinois a en effet l'ambition de lancer un yuan numérique dans les années à venir. Ce e-yuan est échangeable contre des yuans chinois via des porte-monnaie électroniques. La devise numérique est déjà en cours de test dans 4 villes chinoises : Shenzhen, Suzhou, Chengdu et Xiong'an.
Dans un second temps, ce crypto-yuan sera testé à Pékin et dans les régions voisines. Dans ce contexte, tout porte à croire que la Chine cherche à réquisitionner des infrastructures pour développer sa monnaie numérique de banque centrale. De plus, le gouvernement de Xi Jinping, le secrétaire général du Parti communiste chinois, n'a jamais caché son intérêt pour la blockchain.
« La Chine a déjà de bonnes bases dans le domaine de la blockchain. Il est nécessaire d'accélérer le développement de la technologie blockchain […]. Nous devons faire de la Chine the place to be dans le domaine émergent de la blockchain. […] Il est impératif d'utiliser la blockchain pour réaliser la maintenance et l'utilisation conjointes des données gouvernementales, » assurait Xi Jinping en octobre 2019.
Par exemple, la Chine veut s'appuyer sur la chaîne de blocs pour développer son controversé système de crédit social. Déjà en cours de test, l'initiative vise à classer les citoyens du pays en fonction de plusieurs critères, comme la solvabilité, le respect de la loi ou les dépenses mensuelles, grâce à une intelligence artificielle.
Pour sécuriser ces données, Pékin souhaite mettre en place une blockchain privée. De nombreux projets de cet acabit sont dans les cartons du gouvernement chinois. Pour les développer, la Chine souhaite clairement mettre à profit la communauté de mineurs présents sur son sol.
La Chine est-elle un danger pour le Bitcoin ?
Certains acteurs du secteur sont persuadés que la Chine représente un grand danger pour l'indépendance du bitcoin. C'est le cas de Chris Larsen, le cofondateur et directeur exécutif de Ripple. L'homme estime que le régime communiste pourrait se servir de son immense influence sur la mère des cryptos comme une arme dans le cadre de la guerre commerciale avec les États-Unis. En combinant son influence sur le bitcoin et son expertise grandissante dans le domaine de la blockchain, la Chine envisagerait de dicter ses règles en matière de finance à l'international.
« Une grande partie de l’infrastructure financière mondiale fait face à des changements spectaculaires liés aux portefeuilles numériques, à la technologie de la blockchain et aux cryptomonnaies. Pour la Chine, il s'agit d'une occasion unique pour s'emparer du système financier mondial détenu par les États-Unis, » affirme Chris Larsen dans une diatribe récente.
De plus, la concentration des fermes de minage sur le territoire chinois ravive les craintes de la communauté concernant une attaque de double dépense par réorganisation de chaîne sur le réseau bitcoin. Ce type d'attaque permet à un attaquant ayant pris le contrôle de la majorité de la puissance de calcul du réseau d'annuler un paiement ou de censurer des transactions.
« Au moins 65% de l'extraction de cryptomonnaies est concentrée en Chine, ce qui signifie que le gouvernement chinois a la majorité nécessaire pour contrôler ces protocoles et peut effectivement bloquer ou annuler les transactions, » avance Chris Larsen.
En prenant le contrôle des pools de mining présents dans le pays, la Chine serait en effet en mesure de bloquer des transactions. Pour rappel, 5 des 6 pools miniers responsables de 80% du hashrate sont gérés par des individus ou des organisations situés en Chine, précise une étude universitaire parue en 2018. Réalisée par des chercheurs de l'Université de Princeton et de Floride, l'étude corrobore les inquiétudes de Chris Larsen.
« La Chine est l'adversaire potentiel le plus puissant du Bitcoin et nous avons constaté qu'elle avait une variété de motifs évidents pour s’attaquer au système ainsi qu'un certain nombre d'opportunités, à la fois réglementaires et techniques, pour mener ces attaques, » conclut l'étude.
Plus que n'importe quel pays, la Chine est particulièrement bien placée pour influer sur l'avenir du Bitcoin. On espère que ce dossier consacré au rapport étroit entretenu par la Chine et le bitcoin vous a intéressé. Si vous avez un avis sur la question, ou si une erreur s'est glissée dans ce dossier en dépit de notre vigilance, veuillez nous en faire part dans les commentaires ci-dessous.
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Très bon article qui légitime mon mémoire sur les crypto-actifs comme menace pour la suprématie du dollar et pour l'extraterritorialité du droit américain à retrouver ici : peakd.com/fr/@faucheur/les-crypto-actifs-une-menace-pour-la-suprematie-du-dollar-et-l-extraterritorialite-du-droit-americain-par-marius-campos-partie-1