Qui est Craig Wright, le fer de lance du BSV ?
Célèbre depuis quelques années dans le milieu de la crypto, peu de gens l'apprécient aujourd'hui. Mais qui est vraiment Craig Wright ? Difficile à dire.
Craig Steven Wright revendique depuis longtemps être Satoshi Nakamoto. Malheureusement pour lui, il n'a jamais été capable de le prouver. Au fil des ans, il a surtout prouvé qu'il ne comprenait rien au fonctionnement du Bitcoin, et que l'essentiel de ses soi-disant preuves avaient été fabriquées de toutes pièces.
Son égo aux proportions galactiques l'a également poussé à déclencher un fork contentieux du Bitcoin Cash, dont le résultat a été l'apparition de sa création, le Bitcoin SV, et du Bitcoin Cash ABC, notamment supporté par Roger Ver, et aujourd'hui simplement dénommé Bitcoin Cash. Vous l'avez donc deviné, Craig Wright a perdu la guerre du Bitcoin Cash.
Mais ce n'est pas pour autant qu'il a renoncé à danser métaphoriquement la tecktonik sur le devant de la scène crypto, par exemple en réitérant constamment qu'il est Satoshi, et qu'il va porter plainte contre tous ceux qui affirment le contraire. Faisons donc ensemble le tour de la vie du chapelier le plus fou au pays de la crypto ; ou en tout cas, de sa vie telle qu'il la décrit. Et accrochez-vous bien, parce que ça ne sera pas un article que vous lirez en 5 minutes.
Jeunesse, éducation et emplois
Comme pour beaucoup de personnalités du monde de la crypto, on ne sait pas grand-chose du passé de Craig Wright, à part sa naissance en octobre 1970 à Brisbane, en Australie. Mais contrairement à Nick Szabo qui était obsédé par la protection de la vie privée, Craig Wright doit surtout cela au manque de rareté de son nom et de son prénom.
Nous devons nous fier aux informations qu'il donne, ou a données, à son sujet. Et il y en a beaucoup, donc tout se mélange un peu. Il va falloir faire un effort pour suivre.
La majorité des informations se trouve sur son profil LinkedIn, dont une bonne partie a désormais disparu. Heureusement, nous avons accès à l'ancienne version grâce aux sites d'archivage.
Il était donc indiqué qu'il avait terminé ses études secondaires en 1987 au Padua College, en Australie. Il s'agit à priori de celui de Brisbane, puisqu'il a ensuite étudié l'ingénierie de systèmes informatiques pendant 4 ans à l'université du Queensland qui se trouve également à Brisbane.
Dans le paragraphe au sujet de ces études à l'université du Queensland, il indique qu'elles sont demeurées incomplètes parce qu'il a "changé pour Comp Sci [sciences informatiques] au cours de la 4ème année". Mais bizarrement, le paragraphe suivant indique "Physique Nucléaire" entre 1993 et 1995. Difficile de dire exactement ce qu'il a fait vis-à-vis de l'informatique. Quant à la physique nucléaire, on supposera qu'il l'a étudiée à l'université du Queensland aussi.
Après la physique nucléaire, Wright dit avoir étudié la science des carburants et la chimie organique jusqu'en 1997. Peut-être a-t-il décidé cela suite à son emploi dans le secteur. En effet, en 1996, il déclarait sur la liste de mailing des cypherpunks qu'il "avait travaillé" dans une station-service.
Puis, entre 1998 et 2003, il indique avoir obtenu le titre de docteur en théologie, dans une université qui n'est pas mentionnée. Il ne manque pas de s'y vanter de sa connaissance de la mythologie gréco-romaine.
De 2003 à 2004, c'est un master d'informatique sur les réseaux et l'administration système qu'il obtiendra à l'université Charles Sturt. Et il continuera dans cette université, puisqu'il dit y avoir étudié entre 2004 et 2006 pour obtenir un master en management et finance.
En 2007, ce sont des certificats décernés par un institut de sécurité informatique américain qu'il a visiblement obtenus, non sans s'en vanter auprès de la presse australienne, alors même que l'institut en question a précédemment eu quelques soucis en matière... de sécurité informatique. Cocasse.
Et juste après, on voit, toujours sur ce profil LinkedIn, qu'entre 2005 et 2008 il a étudié à l'université de Newcastle pour un Master en Statistiques. Université qui se trouve à plus de 600 kilomètres de l'université Charles Sturt.
Mais attendez, ce n'est pas tout !
Pour revenir à l'université Charles Sturt, il a également étudié entre 2005 et 2008, pour obtenir un master en systèmes de sécurité informatique.
Et en même temps, il dit aussi avoir étudié le droit à l'université de Northumbria entre 2006 et 2008 !
Et n'oublions pas, encore à l'université Charles Sturt, des études de psychologie entre 2007 et 2010.
D'après ce profil LinkedIn, Craig Wright avait donc réalisé simultanément :
- En 2005, des études pour trois masters différents,
- En 2006, des études pour quatre masters différents,
- En 2007, des études pour quatre masters différents, en plus d'avoir obtenu des diplômes en sécurité informatique supposément extrêmement difficiles d'accès,
- En 2008, des études pour quatre masters différents.
Vous vous dites certainement déjà que Craig Wright est un génie incontestable et un surhomme capable de travailler 48 heures par jour. Vous n'auriez pas tort si vous en restiez là, mais son profil LinkedIn mentionne également des informations relatives à ses emplois, que nous pouvons combiner avec celles de ses études pour peindre un portrait plus précis.
En effet, entre 1991 et 1994, Craig Wright dit avoir travaillé dans le milieu de la restauration, et avoir été formé pour pratiquer la cuisine française entre autres choses. Étrangement, il s'agit de l'un des seuls paragraphes relativement détaillés, les autres ne contenant pour la plupart que des descriptions brèves de la société concernée.
Il dit ensuite avoir eu des emplois divers et variés dans le domaine de l'informatique entre 1992 et 1995, ainsi qu'un emploi en tant que gestionnaire réseau entre 1992 et 1996, et un emploi comme gestionnaire de comptes client entre 1996 et 1997.
Craig Wright a donc réussi par exemple, en 1992, à gérer deux emplois différents simultanément, l'un dans la cuisine et l'autre dans l'informatique, en plus de ses études d'informatique.
Enfin, un peu plus loin, il dit avoir été Directeur associé du service des risques pour une société de comptables et conseillers financiers, entre 2004 et 2009... Soit pendant le moment où il étudiait également quatre matières différentes en parallèle.
Autrement dit, Craig Wright n'a rien à envier à Barry Allen et Doc Brown, d'après les informations présentes sur son ancienne page LinkedIn.
S'est-il arrêté là ? Bien évidemment que non.
Dans un article de 2011, il affirme avoir conçu l'architecture du premier casino en ligne. D'abord, on pourra noter que le casino mentionné, Lasseter's Online, n'est pas le premier casino en ligne puisqu'il est apparu en 1999 alors que ses concurrents ont commencé à apparaître à partir de 1996. Ensuite, eh bien, il ne faut pas oublier qu'en 1998, Craig Wright disait avoir travaillé pour l'Australian Stock Exchange, et qu'en 1998 et 1999, il était en train d'étudier la théologie.
Dans un ouvrage de 2016 intitulé "The Satoshi Affair", notre Australien préféré a raconté au journaliste une histoire digne de figurer dans un épisode de Julie Lescaut. En effet, à l'époque, il était recherché par les services des impôts, parce que deux journaux avaient publié des articles disant qu'il était peut-être Satoshi Nakamoto.
Il a donc raconté, dans ce récit, que la police est venue le chercher chez lui. Il leur aurait échappé en se cachant dans des toilettes de l'immeuble de grande hauteur où il habitait. Au passage, il n'a pas oublié d'attraper celui de ses ordinateurs qui n'était "pas encore complètement chiffré".
Tout cela, avant de finalement partir en avion sans se faire arrêter à l'aéroport... En effet, alors qu'il allait être interrogé, un autre passager aurait fait trop de bruit. Les responsables de l'aéroport auraient alors dit à Wright de partir sans passer par la case interrogation, pour s'occuper de l'autre passager.
Les policiers savaient qu'il allait prendre un vol et vers quelle destination, mais ils sont restés mystérieusement impuissants face à Wright.
Il lui a également semblé important de préciser au journaliste que pendant le vol, il avait regardé Matrix. En 2016. Et il a même déclaré avoir trouvé l'histoire "étrangement rassurante", sous-entendant qu'il l'avait alors regardé pour la première fois.
Ce détail inutile, comme beaucoup d'autres dans cet article, pourrait pousser certains à penser que Craig souffre d'une maladie mentale bien particulière, mais ce serait de la diffamation que de l'affirmer haut et fort.
Revenons-en plutôt à cet article de 2016. Dans les paragraphes suivant l'histoire de la fuite de Craig Wright, il y est indiqué que Craig Wright avait travaillé pour Centrebet vers 2007 (un casino, pour ceux qui ne suivent pas), toujours en plus de ses quatre masters simultanés de l'époque, entre autres choses.
Puis, il raconte quelques détails sur sa famille. Il précise notamment que son père avait travaillé pour la NSA, alors que sa mère croyait que le père travaillait pour la NASA. Fils d'espion et/ou d'astronaute à la fois, il s'est retrouvé "plus ou moins kidnappé" par son père après le divorce de ses parents.
Mais son père n'était pas seulement espion et/ou astronaute : il était aussi militaire, et avait été éclaireur pour le 8ème Bataillon de l'Armée Australienne au Vietnam, d'après ce qui est indiqué. Craig Wright déclare également que son père avait "perdu tous ses amis". Fait intéressant, la page wikipédia dudit bataillon indique qu'il était constitué de 370 hommes et qu'à la fin de la guerre, il y avait eu 18 victimes et 108 blessés. Pas de chance pour le père Wright, dont l'intégralité des amis faisait partie des 5% de victimes de ce bataillon dans cette guerre.
Heureusement pour Craig, son père n'était pas le seul homme capable de lui apprendre la vie, puisqu'il est visiblement devenu fou par la suite, et s'est mis à jouer aux échecs avec un bébé.
Son grand-père maternel, Ronald Lyman, était lui aussi un premier de cordée, apparemment le tout premier titulaire d'un diplôme de spécialiste radio en Australie, officier militaire, et également espion pour les services secrets australiens.
Dans le paragraphe suivant, la mère de Wright a déclaré que ce dernier était, dans sa jeunesse, un weeaboo pur jus, constamment déguisé en samouraï avec des chaussures en bois, des kimonos et des épées de carnaval, y compris dans la rue.
Juste après, Wright déclare avoir appris le Karaté, puis le Judo, et enfin le Ninjutsu, tout cela grâce à un illustre inconnu professeur de karaté, qui est certainement très petit, chauve, barbu et un peu pervers. Durant cette période, Craig déclare avoir eu l'habitude de fracturer les jointures de ses doigts pour devenir plus fort. Étrangement, cette méthode ne semble fonctionner que sur lui, preuve s'il en est de son code génétique extraordinaire.
Puis, Craig Wright déclare avoir rejoint l'Air Force dès ses 18 ans. Et il n'est visiblement pas passé par la case "entraînement", puisqu'il déclare avoir été "enfermé dans un bunker" pour travailler sur des "bombes intelligentes". Manque de bol, au bout de quelque temps, un cancer de la peau est apparu sur son dos. Il a réussi à vaincre le cancer, et après ça, il est parti à l'université du Queensland.
Si on repart voir sa date de naissance, située en octobre 1970, un petit calcul permet de déterminer qu'il serait entré à l'Air Force en 1988, soit l'année à laquelle il a indiqué avoir commencé l'université... À la fois étudiant en informatique et homme miracle de l'Air Force en charge de la conception de bombes intelligentes révolutionnaires, Craig Wright commençait visiblement sa vie d'adulte sur les chapeaux de roue.
Quelques milliers de mots plus loin, Craig Wright revient sur son enfance, et précise qu'en plus du Karaté, du Judo et du Ninjutsu, il a également maîtrisé dix autres arts martiaux tels que le Wing Chun et le Muay Thaï. Et il a bien dit "maîtrisé", pas simplement "pratiqué". D'après ses dires, il fait donc très certainement partie des plus grands maîtres des arts martiaux du monde, et pourrait tout à fait voir son nom gravé dans le Guinness Book à ce titre.
Mais sa propre mère semble quelque peu douter des mots de son fils. Elle a déclaré, dans l'article de 2016 susmentionné, que son fils avait toujours eu l'habitude d'ajouter des choses à la vérité pour la rendre plus impressionnante. Femme de peu de foi s'il en est. Qui donc voudrait mettre en doute les paroles d'un homme formidable comme Craig Wright ?
Wright’s mother had told me about her son’s long-standing habit of adding bits on to the truth, just to make it bigger. ‘When he was a teenager,’ she said, ‘he went into the back of a car on his bike. It threw him through the window of a parked car. That’s where his scar comes from. His sister accompanied him to the hospital and he’s telling the doctor that he’s had his nose broken twenty or so times, and the doctor is saying “You couldn’t possibly have had it broken.” And Craig says: “I sew myself up when I get injured.”’ What his mother said connected with something I’d noticed. In what he said, he often went further than he needed to; further than he ought to have done. He appeared to start with the truth, and then, slowly, he would inflate his part until the whole story suddenly looked weak.
Extrait du texte "The Satoshi Affair"
Quelques années après cet article, dans un message sur Medium.com daté de 2019, il réaffirme avoir travaillé pour Lasseter's, et indique qu'il a aussi travaillé pour "plusieurs sociétés comme Centrebet". Ceci, en parallèle de ses études d'informatique et de ses autres emplois, encore une fois.
Enfin, dernier élément intéressant dans ce post : il affirme avoir travaillé pendant longtemps dans l'informatique légale, avant l'apparition du Bitcoin. Pas de date précisée, mais on supposera que c'était plus ou moins pendant les années 2000, soit à peu près au moment où il étudiait déjà 4 diplômes en parallèle. Et accessoirement, à l'époque où le Bitcoin a été développé par Satoshi Nakamoto.
Dans un message ultérieur sur Medium.com, il finit par déclarer qu'il a travaillé en Colombie et au Vénézuéla avec une équipe "Jawbreaker", ou autrement dit, la CIA. Dans les pas de son père et de son grand-père, Craig Wright est aussi un espion qui n'a rien à envier à OSS 117. Quant à savoir s'il s'agit de l'original ou de la version Dujardin, c'est à vous de décider.
Il déclare également qu'il était "pasteur pendant un moment".
Enfin, il finit par ajouter qu'il a "passé plus de 25 ans à travailler dans des endroits dont beaucoup refuseraient de croire qu'ils existent dans un monde moderne". Nous pouvons donc ajouter, à tous les précédents emplois et études qu'il a dit avoir effectués, un emploi dans une organisation qui n'est pas du tout décrite, mais qui doit très certainement être effrayante, comme les oiseaux (parce qu'ils n'ont pas de bras). La vie de Craig Wright en devient encore plus incroyable.
Si l'on continue de chercher, il doit être possible de trouver encore d'autres métiers, diplômes et autres activités que Craig Wright dit avoir eus jusqu'en 2020, mais j'ai bien peur que nous n'ayons pas assez de pixels pour faire une liste exhaustive. Passons donc au paragraphe suivant.
Les années post-Bitcoin
Il est difficile de dire quand exactement est-ce que Craig Wright a découvert le bitcoin. N'ayant fait connaître sa présence qu'à partir de 2013-2014 environ, il se pourrait qu'il ait été actif bien avant. En effet, Craig Wright faisait partie du réseau cypherpunk depuis longtemps, comme le prouve cette discussion qu'il a eue avec Julian Assange en 1996.
Il est donc possible que Craig Wright ait été l'un des premiers utilisateurs du Bitcoin, mais rien ne le prouve pour l'instant. La plus vieille information dont on dispose à son sujet vis-à-vis de la cryptomonnaie, c'est l'affaire Ferrier racontée dans cet article, au cours de laquelle Wright a porté plainte contre un escroc notoire australien.
Wright, selon ses dires, avait promis à Ferrier de lui verser presque cent millions de dollars en bitcoin en échange d'or et de logiciels bancaires. Toujours selon lui, le marché est tombé à l'eau. Mais, étrangement, Craig Wright a abandonné les poursuites peu de temps après. Il faut croire que ce n'est que de l'argent de poche pour lui.
Encore plus étrange, il est aussi indiqué dans l'article ci-dessus que Craig Wright était endetté à hauteur de 425.000 dollars et était au bord de la faillite totale entre 2006 et 2013. Étrange, pour quelqu'un qui déclarait avoir suffisamment de bitcoins pour obtenir 85 millions de dollars en les vendant.
Quelque temps après, en 2014, Craig Wright a déclaré qu'il souhaitait lancer une banque basée sur le Bitcoin, une idée tout à fait originale à l'époque. Pas de chance pour lui, le projet a capoté et l'administration fiscale australienne lui a dit d'aller voir ailleurs s'ils y étaient.
La société dont il est propriétaire et qui devait servir à lancer ce projet de banque, Hotwire PE, a simultanément été impliquée dans une affaire d'escroquerie aux impôts, ainsi qu'il est indiqué par le Business Insider.
D'autres sociétés appartenant à Wright semblaient se financer grâce à l'équivalent australien du crédit impôt recherche (l'une d'entre elles à hauteur de 54 millions de dollars), comme cet article l'indique. Mais Hotwire PE ne semblait pas fonctionner de cette façon, et a visiblement demandé au gouvernement australien de lui donner quelques millions de dollars de soi-disant trop-perçu pour une autre raison.
L'affaire est tombée dans les mains de l'ATO, l'administration fiscale australienne, et c'est cet évènement qui a déclenché l'escapade rocambolesque de Craig Wright que nous avons décrite dans la première partie de cet article. Affirmant qu'il était le créateur du Bitcoin, Craig Wright était recherché partout.
Les années suivant cette débâcle ont été assez mouvementées pour Craig Wright : d'abord, en 2015, Wired et Gizmodo ont déclaré que Craig Wright serait peut-être effectivement le fondateur du Bitcoin.
Puis en 2016, la BBC et The Economist ont tous deux publié des articles qui affirmaient que Craig Wright aurait personnellement signé des transactions BTC en lien avec les Bitcoins minés par Satoshi Nakamoto. Pas de chance pour Craig, plusieurs chercheurs comme Dan Kaminsky ont prouvé qu'il s'agissait d'un faux.
En avril 2019, il a affirmé auprès du journal Finder que le Bitcoin avait été créé par Dave Kleiman, Hal Finney et lui-même. Comme avec une bonne partie des "arguments" invérifiables de Craig Wright, celui-ci implique des gens décédés. C'est tout de même pratique, que les morts ne parlent pas.
Toujours en avril 2019, il enregistrera un brevet américain à son nom au sujet du code du Bitcoin 0.1. Selon son porte-parole, cela signifiait qu'une organisation gouvernementale américaine le reconnaissait en tant que créateur du Bitcoin. Mais l'US Copyright Office a réagi immédiatement en indiquant qu'ils ne contrôlaient en aucun cas le lien entre l'objet du brevet et la personne déposant le brevet.
Encore en avril 2019, Craig Wright avait mis à prix la tête d'un utilisateur de Twitter qui avait osé affirmer publiquement que Craig était un escroc. Ce n'est pas la première fois qu'il le fait, mais il a également porté plainte contre cette personne, sans succès pour l'instant. Et ce n'est pas la première fois qu'il le fait, puisqu'il a par exemple déjà intenté un procès envers Vitalik Buterin, Roger Ver et Peter McComack.
Vous penserez peut-être qu'il a déjà une vie bien remplie avec tout ça, mais nous n'avons pas encore parlé de ce qu'il y a de plus intéressant. Par exemple, avez-vous bien lu l'intégralité de l'article de 2016 intitulé "The Satoshi Affair" ?
La poule aux oeufs de pyrite
Dan l'article susmentionné, il est indiqué qu'en juin 2015, Wright avait conclu un marché avec une société dénommée nTrust, par l'intermédiaire d'un certain Stefan Matthews rencontré alors qu'il travaillait pour un casino en 2007.
Et, d'après cet article, "les sociétés de Wright étaient tellement endettées que le marché lui est apparu comme un plan de sauvetage, alors il a tout accepté, sans, il semblerait, avoir vraiment examiné ce qu'il devrait faire. En quelques mois, selon des preuves fournies ultérieurement par Matthews et MacGregor, le marché aurait coûté 15 millions de dollars à la société de MacGregor."
Site web de nChain
Le plan de ce marché était simple : utiliser l'image de Craig Wright ainsi que ses supposées connaissances pour déposer brevet après brevet, avant de revendre la propriété intellectuelle de l'ensemble à de grosses sociétés comme Google et Uber pour des milliards de dollars. Ou peut-être est-ce vraiment dans un objectif de patent trolling, mais nous ne pouvons pas en être certain.
En quelque sorte, Wright était vu comme la poule aux oeufs d'or par ce MacGregor. Par exemple, entre janvier et avril 2016, Wright était chargé de rédiger 32 brevets différents. Dans ce milieu, il avait des relations assez mauvaises avec ses subordonnés, et certains considéraient même qu'il était complètement incompétent à certains moments malgré certaines de ses paroles savantes. Constamment à côté de la plaque et très décousues, les discussions avec lui ne semblent pas de tout repos.
Mais tout cela devait certainement paraître fade et ennuyeux, pour quelqu'un habitué à suivre quatre cursus universitaires en même temps tout en jonglant avec deux emplois. Craig Wright a donc rapidement décidé de se lancer dans la création d'une nouvelle version du Bitcoin.
La création du BCH et la guerre Bitcoin Cash vs Bitcoin SV
Au cours du mois d'août 2017, Craig Wright fit partie des partisans du fork du Bitcoin Cash. Plus tard, des divergences d'opinions ont commencé à apparaître entre les membres de la communauté du BCH, et notamment à cause de Craig Wright.
Un nouveau fork a alors eu lieu, entre d'un côté, le Bitcoin Cash ABC, et de l'autre, le Bitcoin Cash Satoshi's Vision, la version de Craig. Il a immédiatement promis de faire disparaître son concurrent Bitcoin Cash ABC, qui n'était pas conforme aux souhaits de Satoshi Nakamoto selon lui.
Logo du Bitcoin SV
Pour mener à bien sa lutte, Wright a décidé de tenter de mener une attaque des 51% sur le réseau Bitcoin Cash ABC afin de faire perdre toute légitimité à ce crypto-actif, et faire valoir l'idée selon laquelle le BSV est le seul vrai Bitcoin.
Durant cette guerre entre les partisans de ces deux actifs numériques, une spectaluaire chute des prix a eu lieu. La capitalisation totale des crypto-actifs est alors passée de 220 milliards à 100 milliards. Jugeant l'attitude de Craig Wright particulièrement dommageable pour l'industrie dans son ensemble, des plateformes d'échange comme Binance ont décidé de délister le BSV de leur plateforme.
À l'issue de cette guerre, le Bitcoin Cash ABC a hérité du nom Bitcoin Cash, car il était jugé plus légitime aux yeux de la communauté.
Pour plus d'informations sur le BSV, nous vous conseillons de lire notre article dédié.
Les ennuis judiciaires de Craig Wright
Malgré la capacité de Craig Wright à multiplier les procès comme Jésus multipliait les pains, Wright n'a pour l'instant jamais réussi à faire condamner quelqu'un pour diffamation. Par contre, il s'est lui-même retrouvé dans le box de l'accusé plusieurs fois depuis le début du millénaire.
En effet, sa première condamnation judiciaire date de 2004. Il avait alors été condamné à une peine de 28 jours de prison pour avoir approché des clients de son ancienne entreprise, de laquelle il avait démissionné un an plus tôt en ayant signé une clause de non-concurrence.
Son deuxième procès est actuellement en cours, à la date de publication de cet article, et il s'agit évidemment du fameux procès Kleiman. Là encore, il faudrait des heures pour dire tout ce qu'il y a à dire, et nous allons donc nous contenter d'un résumé succinct de l'affaire.
L'affaire a commencé en février 2018, quand les héritiers de David Kleiman ont porté plainte contre Wright par rapport aux bitcoins qu'il avait supposément placés dans un trust à l'étranger, hors de portée de Kleiman et de ses héritiers.
David Kleiman
En effet, Wright avait précédemment déclaré avoir miné avec Dave Kleiman un montant colossal de Bitcoins. Comme ces deux personnes étaient soi-disant associées et que Craig Wright aurait visiblement tenté de filer à l'anglaise avec l'argent, les héritiers de ce dernier l'ont poursuivi en justice, et demandent la moitié des avoirs en BTC que prétend obtenir Craig Wright. Au moment du dépôt de la plainte, cela équivalait à un peu plus de 5 milliards de dollars.
Dans cette histoire, Craig n'a jamais été capable de prouver qu'il avait vraiment miné tous ces bitcoins, et il a eu recours à de très nombreuses stratégies pour ralentir le procès : fournir des milliers de documents en vrac comme pièces à conviction, prétendre qu'un certain "bonded courier" devait arriver avec les clés d'une archive chiffrée dans laquelle se trouvaient les clés...
La dernière nouvelle en date de cette affaire, c'est que Craig Wright avait fourni au tribunal une liste d'adresses Bitcoin très anciennes qui, selon lui, étaient celles sur lesquelles il avait miné des bitcoins avec Dave Kleiman. Comme il arrive assez rarement que des adresses de 2009 fassent bouger des bitcoins du jour au lendemain, la stratégie était habile. Mais, pas de chance pour lui, un message a été publié et signé par 145 adresses différentes, l'accusant d'être un menteur et indiquant qu'elles ne lui appartenaient pas.
Vous pourrez lire ce message ici, et vérifier sa validité avec les sites internet suivants : Bitcoin.com, Bitcoin Tools, ou encore ReinProject. Il vous suffit pour cela de copier le message dans son intégralité, et sans un seul espace de plus, dans la case Message ; puis de copier la suite de chiffres/lettres la plus courte dans la case Address, et de copier la suite de chiffres/lettres la plus longue dans la case Signature.
Craig Steven Wright is a liar and a fraud. He doesn't have the keys used to sign this message.
Bien évidemment, Craig Wright a tenté de se défendre en affirmant de manière totalement absurde qu'il fallait avoir une identité pour produire une signature numérique, prouvant par cette occasion son ignorance la plus totale d'un des piliers du fonctionnement du Bitcoin.
Sa seule défense, face au code du Bitcoin, est de se mettre à balbutier comme un enfant de 5 ans avant de bouder et de prétendre que ce qu'il a vu n'existe pas.
Bizarre, pour quelqu'un qui aurait soi-disant créé le Bitcoin.
L'effondrement graduel des fictions de M. Wright
Malheureusement pour Craig Wright, toutes les histoires ont une fin. Dans son cas, évidemment, certaines doutaient de ses dires dès le premier jour, mais il a fallu attendre quelques années pour voir les indices s'accumuler...
C'est par exemple en décembre 2015 seulement que Mashable.com publiait cet article, dont le passage qui nous intéresse est le suivant (traduit en français) :
Le vendredi après-midi, l'Université Charles Sturt a publié une déclaration par email envoyé à Mashable, confirmant que Wright avait complété trois qualifications de l'université : Master en Réseaux et Administration Système, Master en Management (technologies informatiques), et Master en Systèmes de Sécurité Informatiques.
Il ne s'était pas vu remettre un Doctorat en Philosophie (PhD) par l'université, ni un Master en Développement Système ou un diplôme en Psychologie comme il le prétendait sur sa page LinkedIn et dans son CV.
Il aura fallu quelques mois avec Craig en première page des médias crypto pour que qui que ce soit pense à jeter un oeil à son passé. Heureusement, à partir de là, quelques recueils de preuves ont vu le jour, tels que le site StopCraigWright, aujourd'hui renommé Billfodl, ou tout simplement, le wiki Bitcoin.
D'autres ont mené des enquêtes poussées, et prouvé par exemple que Craig Wright avait eu recours au plagiat pour rédiger certains de ses textes, et tout particulièrement sa thèse de doctorat... Ce fil Twitter est également intéressant sur le sujet des plagiats de Craig Wright.
Depuis qu'il est arrivé sur le devant de la scène, les preuves s'empilent, et aujourd'hui sa crédibilité est quasi nulle. Mais il reste toujours, quelque part au pays du Bitcoin, d'irréductibles fanatiques qui refusent de voir la vérité en face.
Conclusion
Craig Wright s'est constitué, au fil des années, un passé imaginaire passionnant et plein d'aventure, dans lequel il a vécu une douzaine de vies différentes. Passant d'un mythe à un autre régulièrement, cette habitude d'inventer des légendes à son propre sujet l'aura lentement poussé dans un piège inextricable dont la seule issue est d'avouer qu'il a tout inventé.
Mais Craig Wright étant ce qu'il est, nous ne saurons peut-être jamais ce qu'il a véritablement fait au cours de sa vie. En tout cas, ce dont nous pouvons être à peu près sûrs, c'est qu'il n'est pas Satoshi.
beau boulot Benjamin !