À la découverte du mouvement cypherpunk à l'origine du Bitcoin
Apparus à la fin des années 80, les Cypherpunks sont identifiés comme étant à l’origine de la création de Bitcoin. Ils auraient été la source d’inspiration de Satoshi Nakamoto lors de la conception de la monnaie numérique. Néanmoins, nous allons constater que les cyphers sont bien plus qu’une simple source d’inspiration. C’était, et cela demeure avant tout une communauté dont le devoir est de protéger la vie privée sur internet. Conscients que toutes les communications et informations que l'on partage en ligne sont accessibles par n’importe qui, un mouvement se forme pour y faire face. Aujourd’hui, nous allons nous plonger dans ce sujet fascinant pour vous expliquer ce que sont les Cypherpunks. Entre aspirations politiques, cryptographie et cryptomonnaie vous comprendrez tout des motivations de ce mouvement.
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D’où vient le terme « Cypherpunk » ?
« Cypherpunk » est un mot-valise, composé à partir de deux mots anglais que sont « cipher » (ou cypher) signifiant chiffrement et « punk » désignant un esprit rebelle. Cette simple définition connote bien la pensée des individus se manifestant comme tels. Puisque nous allons rapidement remarquer que le chiffrement est la pièce maîtresse du mouvement, tout comme la « rébellion ». En l’espèce, cette dernière marque leur opposition à la toute-puissance des États.
Quelles sont leurs motivations ?
Ces rebelles étaient animés d’une véritable volonté de protéger la vie privée de chacun sur le réseau. À l’apparition d’Internet et plus précisément du Web dans les années 90, toutes informations inscrites étaient « accessibles ». Dès lors que quelqu’un envoyait un message, il était consultable par quiconque s’en donnait les moyens. Or, si à l’époque les sociétés privées n’étaient pas encore une menace, on considère les gouvernements comme tels.
L’espionnage était une pratique courante, et s’est d’autant plus généralisé entre les entreprises à partir des années 2000. Récemment, de nombreux scandales ont d’ailleurs éclaté quant au vol et à l’exploitation de données personnelles. À l’instar de l’affaire Snowden en 2013 ou de Cambridge Analytica en 2018. Des événements récents qui permettent d’affirmer les craintes émises par les Cyphers. Peurs qui à l’époque, étaient accusées d’alimenter la théorie du complot.
Dotés de compétences en informatique, les Cypherpunks ont très vite identifié le problème de « la transparence des informations » sur Internet. Ils remettent en question l’argument très populaire relatant que « si vous n’avez rien à cacher, vous n’avez rien à craindre ». Au contraire, ils estiment qu'aucune entité qu’elle soit gouvernementale ou privée ne peut se prévaloir d’avoir accès à des informations privées.
C’est pourquoi ils mettent en place un système de chiffrement appelé cryptographie pour protéger leurs échanges. En clair, il s’agit de rendre tout message incompréhensible si l'on ne bénéficie pas de la clé qui permet de le déchiffrer. Dans une telle situation, même si l'on écoute ou lit vos communications, elles ne pourront être comprises. De ce fait, seuls les interlocuteurs peuvent accéder aux messages de l’autre.
La mission des Cypherpunks est alors apparue comme évidente : garantir la vie privée sur Internet. Et le chiffrement devint l’instrument qui leur permit de l’accomplir.
👉 Pour en savoir plus : Qui est Satoshi Nakamoto le créateur de Bitcoin ?
Pourquoi les associe-t-on à des mouvements politiques ?
Bien souvent, on analyse les membres de cette communauté comme ayant des convictions politiques fortes et particulières. Étant donné qu’ils manifestent une forte réticence au contrôle qu’exerce l’État, on y fait régulièrement des associations politiques. Les plus courantes concernent leur appartenance au libertarianisme ou à l’anarcho-capitalisme. Chacune de ces philosophies politiques partagent une idée commune : on doit revoir la place de l’État. Le capitalisme libertaire juge le rôle de l’État inutile et contre-productif, il rejette son existence. Le libertarisme lui, insiste davantage sur la protection des libertés des individus. Ce qui sous-entend que l’État doit laisser une latitude suffisante à ses citoyens et réduire le contrôle qu’il exerce sur ces derniers.
Ainsi, la défense des libertés individuelles de ces courants va de pair avec leurs motivations. C’est la raison pour laquelle on associe ces membres à de telles aspirations politiques.
Par ailleurs, deux manifestes ont été publiés sur les idées relatives au mouvement. Le premier par Tim May : « Le manifeste crypto-anarchiste » en 1992, et un par Éric Hughes l’année suivante.
Dans celui de E. Hughes, on retrouve les grands fondements de la communauté, c’est-à-dire l’indépendance par la cryptographie :
« Nous les Cypherpunks sommes dédiés à construire un système anonyme. Nous défendons notre vie privée avec la cryptographie, un système anonyme de mail, des signatures numériques et la monnaie électronique ».
Ces ouvrages expriment tous deux des idées politiques appartenant aux partis décrits précédemment. Puisqu’à travers ces publications, ils défendent vigoureusement leur croyance en une société où l'on préserverait la vie privée. Et ce, grâce à l’anonymisation de nos systèmes d’échanges.
Finalement, ces systèmes d’échanges anonymes donneront lieu à une autre innovation, le Bitcoin (BTC). La cryptomonnaie élaborée par Satoshi Nakamoto critiquera d’ailleurs ouvertement le système financier en place. Le message inclut dans le bloc genesis en est d’ailleurs la parfaite illustration « Chancellor on brink of second bailout for banks ».
Cependant, elle sera avant tout, à l’origine du premier système d’échange monétaire « anonyme ». Le lien avec l’idéologie des cyphers, est qu’avec Bitcoin les individus retrouvaient la souveraineté monétaire. Liberté fondamentale dont se sont accaparées les banques centrales depuis les années 70. Nous reviendrons sur le lien du mouvement avec la cryptomonnaie juste après.
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Constitution du mouvement et regroupement des membres
Historiquement, il né dans les années 80 sur Internet, mais va réellement prendre forme lors de la décennie suivante. Dans les premiers temps, le mouvement se constitue d’individus qui s’intéressent à la cryptographie pour s’envoyer des messages chiffrés et ainsi préserver leur anonymat. Parmi eux, il y a une femme du nom de Jude Milhon. On la définit comme celle qui a donné naissance à ce mot-valise si particulier. Elle fait également partie des membres fondateurs du mouvement composé par E. Hughes, TC. May et J. Gilmore en 1992.
Avant de se rassembler et de mettre au point leur projet, ces personnalités vont tout d’abord commencer à échanger. Ils conversent ainsi sur une idée commune par l’intermédiaire d’une mailing-list. Cette idée comme vous l’aurez deviné concerne l’anonymisation des échanges sur Internet. C’est alors sur ce « forum » qu’ils vont proposer un modèle de chiffrement pour communiquer en tout anonymat. C’est ainsi qu’ils se réuniront pour débattre et élaborer leur modèle et atteindre les résultats escomptés.
Personnalités connues
Parmi les cypherpunks les plus notoires, nous retrouvons notamment :
- Adam Back, il est l’inventeur du Hashcash. Pour rappel le Hashcash est l’ancêtre de la preuve de travail qu'on implémentera ensuite dans Bitcoin. Il a aussi créé Blockstream.
- Hal Finney, reconnu comme ayant contribué au protocole de Bitcoin avec Satoshi.
- Julian Assange, rédacteur en chef et fondateur de Wikileaks.
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Quel lien avec la cryptomonnaie ?
La raison pour laquelle on évoque les Cypherpunks lorsque l’on parle de Bitcoin est due au fait qu’ils ont grandement influencé son développement. D’une part parce que Satoshi s’est inspiré des travaux de cyphers tel que le Hashcash d’Adam Back. Mais aussi parce qu’il faisait lui-même partie de cette communauté. Ou, il a pu compter sur le soutien de certains membres lorsqu’il s’est mis à élaborer le protocole du Bitcoin. Certes, tous n’étaient pas persuadés par l’idée de Satoshi, mais une partie adhéra pour mettre en œuvre cette monnaie numérique. Parmi ces soutiens se trouvait notamment Hal Finney, cypherpunk reconnu.
En outre, l’inspiration qu’a été ce mouvement et les personnes qui ont pu participer à la naissance de Bitcoin, un autre lien doit être établi. On associe cette communauté à un courant défendant des valeurs relatives aux libertés individuelles et on l’assimile à une philosophie que partagent notamment les membres. Dans ce cadre, Bitcoin s’inscrit parfaitement avec ces préceptes. Par son protocole, et son système de validation des transactions, les échanges sont prétendument anonymes. Or, établir un système d’échange anonyme basé sur de la monnaie était une forme de consécration pour ce mouvement. Après avoir conçu un système de messagerie chiffré, ils avaient désormais un système monétaire anonyme. Dans lequel vous pouviez réaliser des transactions sans qu’aucune entité ne puisse éplucher vos opérations au compte-goutte et de ce fait retracer tous vos agissements, déplacements et habitudes.
Enfin, opérons une dernière mention. Les libertariens soutiennent que l’État doit réduire son intervention et accorder davantage de libertés aux individus. Dans ce prisme, l’avènement d’une monnaie décentralisée et par conséquent absente de toute forme de contrôle représenterait une aubaine. La souveraineté monétaire serait de nouveau dans les mains des citoyens et non plus des institutions. Bien sûr, cela suppose que Bitcoin puisse occuper le rôle de monnaie et que chacun l'adopte. Deux conditions qui paraissent aujourd’hui difficiles à atteindre.
Le Bitcoin dans tout ça ?
Ainsi, si Bitcoin est apparu au lendemain de la crise financière de 2008 ce n’est pas uniquement en réponse à cette dernière. Elle aurait plutôt eu l’effet d’accélérer la finalisation du protocole. Surtout lorsque l'on sait que Satoshi a commencé à y travailler dès 2005-2006. La raison pour laquelle Bitcoin est né se trouve dans les convictions d’individus à protéger la vie privée d’autrui.
Bien que Bitcoin ne permette pas en soit un anonymat absolu, des cryptomonnaies alternatives se sont développées pour parfaire à cette problématique. Le Zcash (ZEC), développé en partie par des cypherpunks, lui, est l’aboutissement d’une monnaie se voulant totalement privée. On retrouvera ensuite d’autres innovations semblables tels que le Monero (XMR) ou le Dash.
💡 Sur le même thème : Contrairement aux idées reçues, Bitcoin n'est PAS anonyme...
Les cypherpunks avaient-ils anticipé l’avenir ?
Au départ, le peu de public qui connaissait les Cypherpunks était critique envers leurs actions. En effet, on moquait le mouvement, isolé et peu crédible. Personne ne prenait au sérieux ceux qui avaient la prétention de vouloir protéger la vie privée de l’espionnage gouvernemental ou des entreprises. Alors que pourtant, des modèles de chiffrement existaient depuis l’antiquité. Du temps de l’Empire romain, où Jules César notamment, chiffrait ses propres messages. Cette méfiance perçue au départ comme exagérée s’est finalement justifiée avec le temps. À l’image des multiples scandales relatifs aux vols de données avec l’affaire Snowden en 2013 et de Cambridge Analytica en 2018.
Dernièrement, la mise en place du RGPD démontre bien de la nécessité de protéger nos données et qu’ainsi les craintes des cyphers étaient bien fondées. Mais si nous parvenons à sécuriser théoriquement nos données grâce au RGPD des sociétés privées, qui peut nous garantir qu’elles le seront des gouvernements ?
Visionnaires, les cypherpunks ont répondu il y a quelques décennies à cette problématique par l’intermédiaire de la cryptographie. Une problématique qui est d’autant plus actuelle avec l’application de traçage numérique StopCovid.
Cet article a été rédigé par Valentin Rousseau de l'association blockchain étudiante KryptoSphere.
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Super article. Merci !
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