Enrichissement et accusations de corruption : les liaisons dangereuses de Donald Trump avec l’industrie crypto

Des entreprises liées à la famille Trump dans le secteur des cryptomonnaies

En 2019, Donald Trump affirmait « ne pas être un fan du Bitcoin et des cryptomonnaies », les accusant de faciliter les activités illicites. Six ans plus tard, le président a fait une volte-face complète. Il a en effet encensé plusieurs fois les actifs crypto dans la campagne qui l’a mené au pouvoir, jusqu’à lancer une société liée aux cryptomonnaies par le biais de ses fils.

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Créée en 2024, World Liberty Financial (WLFI) est un protocole de finance décentralisée géré par les fils de Donald Trump, ainsi que Zach Witkoff. Le projet a levé 550 millions de dollars via la vente de son token de gouvernance, le WLFI, dont Donald Trump et ses fils détiennent des dizaines de milliards. La cryptomonnaie donne droit à 75 % des revenus futurs de la plateforme.

Selon sa déclaration financière de juin 2025, Trump a déjà réalisé 57 millions de dollars de gains en vendant une partie de ces WLFI. Par ailleurs, en mars 2025, World Liberty Financial a lancé son stablecoin USD1, garanti par des bons du Trésor américain, sur la blockchain Ethereum et la BNB Chain. C’est donc une seconde cryptomonnaie liée à la famille du président.

World Liberty Financial a récemment effectué une distribution de 47 dollars en USD1 à chaque détenteur de WLFI et prépare par ailleurs le lancement d’un wallet propriétaire. L’ensemble (plateforme, token, stablecoin, wallet) forme un écosystème qui utilise largement l’image du président des États-Unis pour faire sa promotion.

Les memecoins TRUMP et MELANIA et le jeu trouble du président

Au-delà de cette entreprise, le président est aussi lié à plusieurs « memecoins » ou cryptomonnaies supposément humoristiques. Quelques jours avant son investiture, Donald Trump a en effet lancé un autre actif crypto, l’Official Trump (TRUMP). Fortement promue par le président, sa capitalisation a explosé, jusqu’à brièvement intégrer le top 10 des plus grandes cryptomonnaies du moment.

Un jour plus tard, c’est sa femme, la Première dame Melania Trump, qui a lancé son propre token, le MELANIA. Également controversé, celui-ci a été pointé du doigt pour ses liens avec Hayden Davis, l’homme à l’origine du scandale du LIBRA qui a touché le président argentin Javier Milei.

La crypto TRUMP pose plusieurs problèmes. Le plus grand est bien sûr les accusations de promotion de la part du président, qui a lancé un actif juste avant d’occuper le pouvoir, contribuant donc à son essor. Au-delà de cela, la cryptomonnaie a été pointée du doigt en raison de plusieurs limitations.

Elle est en effet très concentrée entre très peu de mains. Les principaux détenteurs sont directement liés au clan Trump : CIC Digital LLC, une entreprise gérée pour le compte de Donald Trump, ainsi que Fight Fight Fight LLC, une autre société créée en janvier 2025 autour du slogan du président, possèdent environ 80 % des 1 milliard de TRUMP émis.

80 % de la supply de tokens TRUMP, soit 7,18 milliards de dollars, sont entre les mains du clan Trump

Par ailleurs, le token ne semble pas avoir de réelle utilité. D’où une accusation relayée par l’opposition : il aurait été lancé dans le but unique d’enrichir Donald Trump… Voire d’acheter son influence.

C’est le reproche qui a été fait après un « dîner exclusif » proposé par le président des États-Unis dans sa station balnéaire de Mar-a-Lago. Les plus grands détenteurs de sa cryptomonnaie y étaient invités, et ceux qui ont bénéficié d’un entretien exclusif avec le président venaient de pays variés. Pour certains, Donald Trump aurait donc monnayé un accès exclusif à sa personne contre des cryptomonnaies.

Le groupe de transparence Accountable.US a qualifié ce dîner du 22 mai 2025 de « stratagème d’enrichissement personnel le plus manifestement corruptif de l’histoire présidentielle américaine ». Depuis cette date, certains parlementaires réclament une enquête sur les activités crypto du président.

Entre le WLFI, l’USD1, le TRUMP et le MELANIA, il est difficile de savoir la quantité de cryptomonnaies détenue par le président des États-Unis. Ce dernier touche en outre des revenus indirects basés sur la promotion de ces actifs. Autrement dit, les flux financiers liés aux cryptomonnaies de Donald Trump ne sont pas entièrement clairs à ce stade.

Des investissements indirects via d’autres sociétés

En plus de ces investissements directs de Trump et de sa famille, le président des États-Unis a des investissements plus indirects dans les actifs numériques. C’est le cas notamment de sa société Trump Media & Technology Group (TMTG), qui opère le réseau social Truth Social.

En juin 2025, cette dernière a déposé auprès de la SEC une demande pour créer un ETF suivant simultanément le cours du Bitcoin et de l’Ether. Par ailleurs, la SEC a approuvé fin mai 2025 un mandat d’achat de Bitcoin de 2,5 milliards de dollars par TMTG. Dans une lettre aux actionnaires, l’entreprise a également évoqué la sortie éventuelle d’un « utility token ». Si Truth Social n’a donc à l’origine rien à voir avec les cryptomonnaies, elle est elle aussi utilisée pour l’investissement dans ce secteur.

D’autres sociétés liées à Donald Trump opèrent également dans le domaine. CIC Digital LLC, la filiale de Trump Org. mentionnée plus haut, détient des NFT Trump. Ceux-ci sont proposés à la vente pour les fans du président américain. Il s’agit de sortes de produits dérivés numériques basés sur la blockchain, qui sont vendus comme des cartes à collectionner.

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Il existe donc une véritable nébuleuse de sociétés et d’initiatives dans le secteur de la cryptomonnaie qui gravitent autour de Donald Trump.

Donald Trump modèlerait-il les lois à sa convenance ?

Autre point à souligner, peut-être celui qui pourrait attirer les plus grands ennuis juridiques à Donald Trump. Le président des États-Unis semble modeler des décrets et propositions de loi en fonction de ses investissements.

La proposition de loi Genius Act est un exemple flagrant de ceci. La loi en passe d’être approuvée en juin 2025 et déjà adoptée par le Sénat permet de réguler les stablecoins, c’est-à-dire les cryptomonnaies suivant le cours du dollar. Si elle passait la Chambre des représentants, elle transformera World Liberty Financial, l’émetteur de l’USD1, en entité régulée avec une meilleure pénétration de marché potentielle. Donald Trump bénéficie donc directement financièrement de cette loi.

🌐 Pour en apprendre plus - Stablecoins : le GENIUS Act ouvre la voie à un marché de 2 000 milliards de dollars

Mais la proposition la plus surprenante du Genius Act, c’est que le Président et Vice-président des États-Unis sont exempts de régulation en ce qui concerne les stablecoins – ce qui ouvre la porte à des paiements en stablecoins effectués à Donald Trump sans aucune vérification ou limite. Plusieurs opposants ont noté qu’un boulevard était ainsi ouvert pour d’éventuels actes de corruption, à l’instar d’Elizabeth Warren :

Le GENIUS Act va accélérer la corruption de Trump en boostant l’envergure de l’USD1.

Il y a un autre domaine où Donald Trump semble bénéficier financièrement de sa position, quoiqu’indirectement. Le président a affirmé que l’État investirait dans la cryptomonnaie au cours de sa campagne. Cela a fait grimper le cours des cryptos ainsi que de son token TRUMP après son investiture. Plus largement, cela donne un appui inégalé aux cryptomonnaies grâce au soutien du président de la première puissance mondiale – il faut rappeler que cela a été très largement considéré comme le point de départ du dernier « bull run ».

Le positionnement très pro-crypto de Donald Trump conduit donc là aussi à une hausse des cours et à son enrichissement. Au-delà de cela, on note aussi des liens entre le président des États-Unis et de grandes sociétés crypto des locales, dont Coinbase (l’un des plus grands exchanges crypto au monde) et Ripple (la société derrière le XRP), qui ont rencontré Donald Trump après son arrivée au pouvoir. Par ailleurs, les sociétés crypto figurent parmi celles ayant le plus contribué financièrement à la campagne présidentielle de Donald Trump, avec notamment les frères Winklevoss (Gemini), Jesse Powell (Kraken) ou encore Stuart Alderoty (Ripple).

Enfin, on peut aussi noter que les personnes dirigeant les institutions américaines censées réguler les cryptomonnaies sont désormais très favorables à Donald Trump. La Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a désormais un nouveau directeur qui s’est empressé d’abandonner plusieurs actions en justice à l’encontre de sociétés crypto.

Par ailleurs, celui qui devrait être confirmé comme président de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), Brian Quintenz, est millionnaire en cryptomonnaies. Quant au vice-président du pays, JD Vance, c’était un grand partisan des cryptomonnaies avant son ascension. Il se murmure que c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles Donald Trump l’a choisi.

Si ces actions ne sont bien sûr pas illégales, elles montrent un réseau de personnalités et législateurs « pro-crypto » qui entourent désormais le président. Elles contribuent manifestement à son enrichissement dans le secteur des cryptomonnaies, en levant plusieurs garde-fous.

De très fortes sommes d’argent en jeu

Le volume financier des initiatives crypto liées à Donald Trump est considérable. On l’a déjà mentionné, World Liberty Financial a levé plus de 550 millions de dollars en ventes de tokens WLFI. Par ailleurs, un fonds souverain des Émirats arabes unis a investi 2 milliards de dollars avec l’USD1, ce qui a fait bondir la capitalisation du stablecoin de WLFI.

Quant à Truth Social, la société prévoit des opérations de l’ordre de plusieurs milliards, dont 5 milliards pour acheter du Bitcoin ou créer l’ETF mentionné plus haut. Les sommes en jeu sont donc très élevées.

En ce qui concerne ses revenus purement personnels, Trump lui-même a déclaré environ 57 millions de dollars de revenus en 2024 grâce aux cryptomonnaies. Notons cependant que le TRUMP a été lancé en 2025 ; nous ne connaîtrons donc la somme d’argent dégagée avec cette initiative qu’à l’occasion de sa déclaration financière de 2026.

Selon Forbes, le président des États-Unis aurait dégagé un milliard de dollars de ses initiatives crypto, ce qui porterait sa fortune personnelle à 5,6 milliards de dollars :

Les avoirs en cryptomonnaies du président valent plus que n’importe quel bien immobilier individuel de son portefeuille, et même plus que la valeur combinée de Mar-a-Lago et de la Trump Tower.

Trump et les cryptomonnaies – des actes inédits pour un dirigeant américain

Cette expansion dans le secteur des cryptomonnaies soulève de fortes inquiétudes éthiques : le mélange des intérêts politiques et financiers est inédit. Aucun président des États-Unis n’avait à ce point mêlé ses affaires personnelles à l’exercice du pouvoir. Tout du moins, pas aussi directement et sans crainte de sanctions.

Le dîner de Mar-a-Lago, qui récompensait les plus gros détenteurs de TRUMP, a été considéré comme la brèche la plus saillante de l’impartialité présidentielle. Ce jour-là, plusieurs opposants ont participé à une manifestation et condamné un acte qu’ils qualifient de corruption, à l’instar du sénateur Richard Blumenthal :

Il met un panneau “À vendre” devant la Maison-Blanche. Ce dîner a cristallisé et amplifié des inquiétudes que nous avions déjà avant même qu’il ne soit annoncé.

Face à cela, Donald Trump minimise ses actes. Il affirme ne pas « avoir vérifié » les revenus tirés de ses initiatives cryptos ou rappelle qu’il ne gère pas directement les sociétés qui lui sont liées. Dans les faits, ses déclarations financières montrent cependant bien un enrichissement systématique par le biais des cryptomonnaies.

👉 Pour aller plus loin - Donald Trump dans le viseur : une proposition de loi souhaite stopper ses profits en cryptomonnaies

Pour Larry Noble, ex-avocat et membre de la Commission fédérale des élections, ce n’est par ailleurs que la partie visible de l’iceberg, d’autres actions liées aux cryptomonnaies pouvant être faites discrètement :

Leurs transactions secrètes présentent les plus grands conflits d’intérêts jamais vus pour un président.

Quant à Walter Shaub, l’ex-directeur du comité pour l’éthique, il a accusé directement le président actuel de corruption :

L’Amérique a voté pour la corruption, et Trump ne perd pas une seconde pour la lui livrer.

Journaliste chez Cryptoast depuis 2017, je suis passionnée par les enjeux de décentralisation, de vie privée et de régulation. Je me suis spécialisée dans l'économie et la finance traditionnelle en analysant comment les actualités de ce secteur influencent celui des cryptomonnaies, offrant ainsi une perspective unique et éclairée aux lecteurs de Cryptoast.

Marine Debelloir

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