Un député français s'interroge sur les conséquences fiscales de l'adoption de la loi Bitcoin (BTC) au Salvador
La loi Bitcoin (BTC) au Salvador peut-elle changer la donne fiscale ? C'est en tout cas ce que se demande le député de la majorité Jean-Michel Mis, qui pose une question écrite au ministre de l'Économie, Bruno Le Maire. Le BTC peut-il être assimilé à une devise ou ne peut-il être qu'un actif numérique au sens du code monétaire et financier (CMF) ?
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La monnaie Bitcoin (BTC) au Salvador, une devise au sens juridique ?
L’adoption du Bitcoin en tant que monnaie légale par le Salvador a fait beaucoup parler d’elle. Certains en pensent du bien, comme la Bank of America. D’autres institutions, objectivement plus nombreuses, ne sont pas du même avis, comme la Banque mondiale ou, plus récemment, la Banque d’Angleterre.
Depuis l’adoption de la loi au mois de juin dernier, avec une entrée en application au 7 septembre, les débats se sont concentrés sur la question binaire « pour ou contre le Bitcoin en tant que monnaie officielle ». Pendant des mois, il n’y a donc pas eu de discussions constructives, tant les réponses de chacun étaient partisanes.
Toutefois, le député Jean-Michel Mis souhaite élever le débat et pose une question légitime qui pourrait avoir des conséquences fiscales pour le contribuable. Constatant l’adoption du Bitcoin en tant que monnaie officielle d’un État dont l’indépendance est reconnue, la cryptomonnaie peut-elle être assimilée à une devise au sens juridique ?
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Les arguments pour faire du Bitcoin (BTC) une devise au sens juridique
En mai 2019, la loi PACTE a créé l’article L.54-10-1 du CMF, qui introduit la notion d’actifs numériques. Ces actifs peuvent avoir deux formes. La première est une définition positive, à savoir un jeton mentionné à l’article L.552-2 du CMF.
La seconde définition est négative : l’actif numérique ne doit pas être émis ou garanti par une banque centrale, ne doit pas être attaché à une monnaie ayant cours légal et ne doit pas posséder le statut juridique d’une monnaie. La lettre de l’article L.54-10-1 semble faire de ces trois conditions, qui ne sont d’ailleurs pas les seules, des conditions cumulatives.
Or, force est de constater que la troisième condition, à savoir ne pas posséder le statut juridique d’une monnaie, n’est plus remplie puisque le Bitcoin est, justement, devenu, aux côtés du dollar américain (USD), l’une des deux monnaies officielles du Salvador. Ainsi, depuis le 7 septembre dernier, les prix peuvent être libellés aussi bien en dollar qu’en BTC dans le pays.
Pour appuyer cette argumentation, le député Mis s’appuie sur un article rédigé par un doctorant en droit fiscal, Pablo Guedon, publié dans la très sérieuse Revue de droit fiscal de LexisNexis.
Le doctorant semble convaincu que le Bitcoin ne répond plus à la qualification d’actif numérique et que cela entraîne de facto des conséquences fiscales pour le contribuable. Cette position est partagée par l’avocat Dominique Laurant, qui apporte par ailleurs d’importantes précisions quant auxdites conséquences.
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Cryptoast Academy : Ne gâchez pas ce bull run, entourez vous d'expertsLes conséquences fiscales du Bitcoin (BTC) devenu devise au Salvador
À ce jour, hormis les cas spécifiques (activité habituelle, minage), le bitcoin en tant qu’actif numérique est régi par les dispositions de l’article 150 VH bis du code général des impôts (CGI) introduit, lui aussi, par la loi PACTE. Ainsi, l’imposition de la plus-value réalisée répond à un régime fiscal spécifique.
Toutefois, si le BTC est désormais assimilé à une monnaie, il pourrait en partie répondre aux dispositions de l’article 38 alinéa 4 de ce même CGI selon Jean-Michel Mis. Cet article traite des questions relatives aux devises en matière de bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Pour Dominique Laurant, cela va même plus loin et l’avocat distingue les professionnels des particuliers.
Pour les professionnels, astreints à la tenue d’une comptabilité, le BTC devrait dans ce cas être considéré comme une devise étrangère. La conséquence directe est que les variations ne seraient plus des plus-values ou moins-values, mais des gains ou pertes de change.
L’inconnue demeurerait pour le transfert des bitcoins du compte d’actifs numériques vers le compte devises étrangères, qui pourrait lui-même engendrer une plus-value imposable.
Et les particuliers ?
Concernant les particuliers, c’est un peu plus complexe. En effet, l’article 38 du CGI s’adresse avant tout à des professionnels. D’ailleurs, Dominique Laurant ne cite pas cet article dans son argumentaire.
L’avocat émet plusieurs hypothèses selon l’action réalisée par le contribuable. Si le Bitcoin est échangé contre une monnaie ayant cours légal, le contribuable réalise un gain de change et pourrait se voir appliquer le droit commun des plus-values sur biens meubles (PVBM), soit le régime appliqué quelques mois avant l’entrée en vigueur de l’article 150 VH bis.
Par ailleurs, il conviendrait de distinguer l’échange du bitcoin contre une autre cryptomonnaie (application du régime PVBM) de l’échange en sens inverse, soit une autre cryptomonnaie vers le bitcoin (application de l’article 150 VH bis). Il y aurait en outre à potentiellement prendre en compte la durée de détention des BTC.
En résumé, tout ceci peut engendrer une insécurité juridique pour les particuliers comme le précise le député Mis. La réponse de Bruno Le Maire est désormais attendue avec impatience. Ses dernières prises de position négatives sur les cryptomonnaies pourraient-elles être sacrifiées sur l’autel de la loi ?
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Et on attend toujours la réponse de BLM (ou de l'administration fiscale) à la question du député...