Stablecoins en Europe : de l'innovation à la tutelle bancaire avec le règlement PSD2
À partir de mars 2026, MiCA ne suffira plus : pour proposer des services sur stablecoins en Europe, il faudra aussi se conformer à PSD2. Une double contrainte qui risque de bouleverser l'écosystème, en favorisant les fintechs déjà bancarisées et en compliquant la tâche des acteurs crypto-natifs. On vous explique.
Le piège réglementaire qui se referme
Lorsque le règlement MiCA a été adopté en 2023, les acteurs européens de la crypto avaient enfin une boussole claire. L'encadrement des stablecoins, qualifiés de « e-money tokens (EMTs) », semblait désormais balisé. Mais en 2024, l'Autorité bancaire européenne (EBA) a glissé une précision qui change la donne : MiCA ne suffira plus en mars 2026 pour certains acteurs.
Dès cette date, tout prestataire offrant des services considérés comme des paiements sur stablecoins devra aussi se conformer à la directive PSD2, qui régit les établissements de paiement et de monnaie électronique.
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Autrement dit, un exchange qui permet à ses clients de transférer de l'USDC à un autre individu est, aux yeux du régulateur, en train d'offrir un service de paiement. L'EBA a été claire : sans licence PSD2 ni partenariat avec un prestataire de services de paiements (PSP) agréé, ces services devront cesser en Europe après 2026.
Un cadre qui surprend par sa lourdeur. Pour l'EBA, il s'agit d'appliquer les mêmes règles de protection qu'aux paiements classiques. « Les utilisateurs doivent bénéficier du même niveau de protection, qu'ils paient en euros ou en stablecoins », déclarait l'autorité dans un communiqué de 2024.
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Cette clarification crée un fossé entre différents types d'acteurs.
- Exchanges centralisés : les plateformes comme Binance, Coinbase ou Kraken devront choisir entre deux options : demander une licence d'établissement de paiement, un processus long et coûteux, ou nouer un partenariat solide avec une fintech déjà agréée. Faute de quoi, certaines fonctionnalités, comme les transferts de stablecoins entre utilisateurs, pourraient être purement suspendues pour leurs clients européens.
- Émetteurs de stablecoins : pour des acteurs comme Circle (USDC), MiCA reste suffisant tant qu'ils se limitent à l'émission de stablecoins. Cependant, Jeremy Allaire, cofondateur et PDG de Circle, mettait déjà en garde en 2023 : « L'Europe montre la voie, mais il faudra veiller à ne pas étouffer l'innovation par une surréglementation. »
- Custody providers : un acteur comme Ledger, s'il se limite à la self-custody, échappe à PSD2. Ces services ne sont pas considérés comme des services de paiement sous PSD2, car ils n’impliquent pas de gestion active des fonds par le fournisseur.
- Fintechs bancarisées : des entreprises comme Revolut, PayPal ou N26 disposent déjà du statut PSD2. Elles peuvent donc proposer des services sur stablecoins sans barrière supplémentaire. L'avantage compétitif est évident. PayPal, qui a déjà lancé son stablecoin PYUSD aux États-Unis, pourrait déployer son service en Europe bien plus facilement que n'importe quelle startup crypto par exemple.
- Finance décentralisée : enfin, les protocoles décentralisés comme Uniswap, Curve ou Aave ne sont pas concernés. Les échanges ou la fourniture de liquidité ne sont pas assimilés à des services de paiement. Une nuance cruciale : la finance décentralisée conserve donc une marge de manœuvre.
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Entre bancarisation et protection de l'euro
L'EBA défend sa position au nom de la protection des consommateurs. Dans ses guidelines de 2024, elle insistait sur la nécessité de garantir des règles homogènes avec les services de paiement classiques : sécurisation des fonds, obligations de sauvegarde, gestion des risques, lutte contre la fraude, etc.
Mais pour beaucoup, la logique dépasse la seule protection. Derrière cette exigence PSD2, certains voient la volonté de l'UE d'éviter une « dollarisation numérique », alors même que le projet d'euro numérique avance au pas de charge. Christine Lagarde l'avait d'ailleurs clairement explicité elle-même. En imposant un cadre lourd, Bruxelles freine de facto la circulation des stablecoins, tout en préparant le terrain à sa propre monnaie numérique.
Sur le plan économique, les critiques sont nombreuses : les coûts de mise en conformité sont considérables, entre capital minimum élevé, obligations prudentielles et audits réguliers. Pour une startup crypto, ces obligations représentent un ticket d'entrée quasi insurmontable.
L'innovation pourrait être bridée, alors que les États-Unis et l'Asie avancent sans carcan comparable. Enfin, la distorsion de concurrence est flagrante : les fintechs bancarisées bénéficient d'un avantage structurel, renforçant le lien entre monde bancaire et crypto au détriment des acteurs natifs.
Faites fructifier votre capital grâce aux analyses et stratégies de nos expertsConclusion : un virage risqué pour l'Europe
Avec ce double carcan réglementaire, l'Europe choisit une approche encore et toujours trop lourde. Elle sécurise ses utilisateurs, mais au prix d'une marginalisation potentielle de son écosystème crypto. Les startups devront soit lever des capitaux colossaux, soit se soumettre à la tutelle des banques et PSP.
Les échanges crypto en tant que tels ne sont pas directement menacés : les stablecoins resteront disponibles sur les plateformes pour les paires de trading. Mais c'est tout l'usage des stablecoins comme moyen de transfert ou de paiement qui se trouve fragilisé. Ce sont ces cas d'usage quotidiens (règlements transfrontaliers, paiements marchands, transferts P2P...) qui risquent de se développer ailleurs qu'en Europe, faute d'un cadre accessible.
Le paradoxe est frappant : alors que l'Union européenne ambitionne d'être un leader de l'innovation financière, elle risque de devenir une terre où seuls les acteurs bancarisés prospèrent, ou en tout cas qui ne laisse pas la place aux startups crypto souhaitant évoluer dans ce secteur.
Reste à voir si le futur PSD3 corrigera le tir, ou si Bruxelles assumera cette bancarisation forcée, quitte à rater le virage de la finance numérique mondiale.
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