TEMOIGNAGE : À 66 ans, il perd 73 000 euros — dans l’enfer des faux investissements crypto

Lorsque nous lui parlons au téléphone, il a la voix d'une personne âgée. Mais ne vous y trompez pas : ce n’est pas le cliché de la victime sans connaissance en informatique. Diplômé et habitué des ordinateurs, son seul tort était de n’avoir jamais entendu parler des cryptomonnaies.

TEMOIGNAGE : À 66 ans, il perd 73 000 euros — dans l’enfer des faux investissements crypto

Les arnaques crypto commencent par une simple recherche Google

Tout a commencé avec une bonne nouvelle. Ingénieur manager dans un grand groupe, Jérôme*, 66 ans, touche une confortable indemnité professionnelle. Sur les conseils d'un collègue, il va chercher à l'investir dans les cryptomonnaies. De fil en aiguille, il va perdre 73 000 euros, tout ce qu'il avait mis de côté pour sa retraite.

Jérôme commence ses recherches en allant sur Google. Seulement, il n'y connaît rien aux cryptomonnaies. Jérôme ne voit pas la différence entre un site légitime et une arnaque.

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L'ingénieur va laisser ses coordonnées sur différentes plateformes avant d'être recontacté par deux hommes. Ils se présentent comme les commerciaux de Paysafe Payment Solution, une société d'investissement en cryptomonnaie basée à Londres.

« Ils parlaient un français impeccable » se souvient Jérôme. « L'un s'appelait Francis Hurey, l'autre Pascal Foster ». Face au professionnalisme de ses interlocuteurs, il baisse sa garde. Rapidement, on lui fait miroiter des fortunes : « Ils m'ont dit d’investir et de créer un compte tout de suite car c'était super intéressant ».

Derrière de faux noms, avec un numéro basé en Angleterre, les criminels vont commencer à mettre leur plan à exécution. Première étape : gagner sa confiance.

(*le prénom a été modifié)

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Un premier virement de 10 euros… puis un autre de 15 000

« J'ai fait un premier virement de 10 euros, pour tester ». Une mesure de précaution à laquelle les malfrats savent répondre. En quelques jours, les 10 euros sont transformés en 102 euros, comme par magie. Il n'en fallait pas plus pour convaincre Jérôme : « dans la foulée, j'ai fait trois virements de 5 000 euros. »

Rapidement, les virements s'enchaînent. 15 000, 18 000, 20 000. À chaque fois, Jérôme récupère plus. Du moins, il le croit. Les voleurs lui montrent de simples captures d'écran, avec des comptes Binance, Kraken, Coinbase ou Cryptomarket.

Face aux gains, Jérôme ne se soucie pas vraiment du processus, qu'il gère de loin. Alors, les pirates accélèrent : « ils m'ont beaucoup pressé. Et comme je ne suivais pas trop le truc, ils en ont profité. Il fallait toujours faire les choses en vitesse »

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Jusqu'au jour où Jérôme réalise que ses supposés gains sont largement inférieurs aux montants investis. Il fait part de ses doutes aux "commerciaux", demande à récupérer sa mise ou à ralentir les investissements.

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À un moment, je ne voulais plus investir. Ils m'ont demandé de confirmer si je voulais arrêter là. Je leur ai demandé de commencer par me rendre une partie de mon capital. Dès lors, je n'ai plus eu de nouvelles. Le numéro était injoignable.

Jérôme

Immédiatement, les soi-disant commerciaux se volatilisent. Du jour au lendemain, les lignes sont désactivées et impossible de joindre quelqu’un.

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La tristement célèbre arnaque au recouvrement

En tout, Jérôme a envoyé 73 000 euros, sans jamais rien gagner. Face à cette perte dramatique, il décide de prendre les choses en main. L’ingénieur de 66 ans se rend de nouveau sur Google, à la recherche d’une solution pour récupérer l'argent de sa retraite.

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D’après une étude de l'AMF (Autorité des Marchés Financiers), seulement 5 % des victimes d'arnaques aux crypto-actifs récupèrent leur argent, et le montant moyen perdu est de 42 000 euros

Mais c'est la double peine. Jérôme retombe dans un piège bien connu dans le monde de la cybersécurité : les arnaques au recouvrement. De fausses entreprises se font passer pour des enquêteurs. Ils promettent des résultats rapides aux victimes en détresse. En réalité, elles extorquent encore plus d'argent sans produire aucun résultat.

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« J'ai trouvé Global Refund sur Internet. Ils se sont présentés comme des experts en identification et récupération de fonds. » Encore une fois, la pierre angulaire de ces arnaques, c'est la confiance et le professionnalisme.

« Ils m'ont recontacté en disant avoir localisé mon argent » poursuit Jérôme. « J’ai reçu les captures d’écran de comptes avec des montants correspondants. »

Mais pour les récupérer, Global Refund demande à Jérôme de payer un contrat. « De nouveau, j'ai payé. Ils me disaient "nous avons identifié une partie des fonds", mais il fallait payer 10 % de la somme. À un moment donné j'ai dit “arrêtons”. » En tout, il paiera quand même 2 500 euros en « frais de recouvrement ».

Depuis, plus de nouvelles. Jérôme a contacté la police, mais ce genre d'enquête prend du temps. Ces réseaux sont ultra réactifs, changent de noms rapidement, et profitent de pays membres de l'Union européenne pour opérer, comme Chypre.

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L'analyse de Sébastien Martin, expert en cybersécurité

Pour Sébastien Martin, cette affaire est tristement commune. PDG de RAID Square et Président de la Ligue de Sécurité du Web3 (LSW3), il aide les victimes de cybercriminalité, particulièrement dans le monde des cryptomonnaies.

« Lorsqu’on débute par une simple recherche Google, on s’expose à un risque élevé, car des entreprises sont très visibles mais aussi très frauduleuses » tempère-t-il. « Internet regorge de faux sites. »

Et d’ajouter « c'est le gros problème des cryptomonnaies : de nombreux utilisateurs cherchent à entrer dans ce monde, mais les canaux de distribution sécurisés ne sont pas connus du grand public ».

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Le volume des entrants est dilué parmi les fausses plateformes. Celles-ci absorbent la liquidité des gens.

Sébastien Martin

D'après nos recherches, l'entreprise avec laquelle Jérôme était en contact, Paysafe Payment Solution, est toujours en activité, immatriculée à Chypre. Seulement, sa date de création semble postérieure à l'affaire de Jérôme.

Une raison pourrait expliquer cela : la rapidité avec laquelle les réseaux criminels ferment et ouvrent des entreprises, en exploitant « tous les obstacles judiciaires dont ils peuvent bénéficier, comme la réglementation chypriote ».

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Des criminels ultra actifs, mais pas si nombreux

Cette capacité d'adaptation est également un calvaire pour les outils mis en place par le gouvernement, comme la liste noire de l’Autorité des marchés financiers (AMF), le gendarme des investissements.

« La liste noire de l'AMF, c'est extrêmement utile. Mais il y a un gros problème : la fréquence d'actualisation est lourdement challengée par la rapidité des escrocs et les nouveaux noms. » D'ailleurs, Paysafe Payment Solution ne figure pas sur la liste noire.

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La liste noire de l'AMF compte plus de 3 000 sites frauduleux recensés en 2025, avec 270 nouveaux sites ajoutés depuis le début de l’année

Autorité des Marchés Financiers

« Souvent, les réseaux ne sont pas si nombreux. Seule une dizaine d'équipes sont suffisamment structurées pour réaliser ce genre d'arnaques. » confie l’expert en cybercriminalité.

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« Il n'est pas impossible de retrouver des adresses de portefeuilles. Certains réapparaissent plusieurs fois dans différentes affaires. » Les pays identifiés : Israël, Russie, Corée du Nord.

Mais, même si les malfaiteurs parlent français, les commanditaires n’ont pas forcément de lien avec le pays. « Comme ce sont des réseaux, ils ont des liquidités et de la logistique. Ils ont des supports, des call centers » résume Sébastien Martin. « Ça peut être des Russes qui paient des Français, des Israéliens, des Nord-Coréens, etc. »

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La France se classe au 15e rang sur 29 pays en matière de culture financière, avec seulement 64% de la population ayant des connaissances financières de base

Enquête internationale sur la culture financière des adultes de l’OCDE

Et la France fait partie des cibles de choix : un haut niveau d'épargne, un pays riche, mais avec une éducation financière plutôt mauvaise. « À l'heure où il faut mobiliser l'épargne des Français, elle finit dans les mains des escrocs. »

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Quelles sont les solutions pour protéger les biens et les personnes dans la crypto ?

Comment enrayer ce phénomène ? Les choses avancent, mais pas assez vite. Du point de vue de Sébastien Martin, de nombreux obstacles administratifs viennent limiter l’action des entreprises et des professionnels du secteur.

C'est bien dommage, car ces personnes sont les plus efficaces pour retrouver l'argent sur la blockchain et identifier les risques.

Pour l’expert en cybercriminalité, la première étape serait de reconnaître le métier d'enquêteur on-chain : « nous n'avons pas encore de vrai statut juridique ni de cadre en France. » déplore-t-il. « Pour remédier à ce type de problème, l'urgence serait de labelliser ce métier pour aider l'État – qui est saturé – et les victimes. »

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Pour les victimes comme pour les autorités, il est souvent difficile de distinguer les véritables professionnels des escrocs.

Sébastien Martin

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C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Jérôme, la victime des arnaques, a fini par retomber dans un second piège en tentant de récupérer son argent volé.

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Ma proposition : à l’image des experts judiciaires existants, il faudrait créer une catégorie spécifique dédiée aux flux crypto.

Sébastien Martin

« Masquer les adresses est un bon premier pas, mais cette mesure existait déjà sous d’autres formes. » explique Sébastien Martin, en référence à la récente décision du ministre de l'Économie, Éric Lombard. « L’industrie crypto a grandi vite et fortement, » poursuit l'expert. « Des entrepreneurs et investisseurs ont désormais le niveau de vie de grands PDG sans avoir forcément intégré by design les bons réflexes de sécurité. »

« Pour des personnes qui passent rapidement d’un investissement modeste à des enjeux financiers très importants, sans avoir les habitudes des investisseurs aguerris, il est crucial de s’emparer de ces sujets. » assène-t-il. « Il faut intégrer dans son état d’esprit que toute démarche mérite d’être étudiée avec soin avant de prendre un risque. »

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L'éducation financière, un enjeu stratégique pour la France

En quelques années, l'écosystème a beaucoup évolué. Mais il y a encore de nombreuses choses à améliorer. Au début du mouvement crypto, les médias et les chaînes YouTube les plus en vue produisaient majoritairement du contenu éducatif. Démocratisation, comportements à risques, plateformes de confiance, etc.

Mais, avec l'explosion du prix du Bitcoin, le nombre d'utilisateurs a été multiplié par 14 en 6 ans. Plus besoin de faire ce genre de contenu : les sujets techniques rapportent suffisamment de trafic pour générer des revenus confortables. « Maintenant on parle de protocole décentralisé, mais pas forcément de la création de wallet » confie un proche du sujet.

📰 Les 6 meilleures newsletters pour suivre l'actu des crypto sans risque

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Le nombre d'utilisateurs de crypto-monnaies dans le monde est passé de 50 millions en 2029 à plus de 700 millions en avril 2025, soit une croissance de 560 %

Source : Crypto.com, Chappuis Halder & Co.

Les contenus plus basiques et éducatifs, un travail moins valorisé, sont tombés entre les mains d'acteurs peu recommandables. Des newsletters avec des milliers d'abonnés n'hésitent pas à présenter les cryptomonnaies comme des investissements rendant « riches », sans effort ni risque.

De plus, les plateformes sûres ont abandonné leurs programmes d'affiliation lucratifs. Désormais, pour gagner de l'argent avec du contenu éducatif, les créateurs n'hésitent pas à promouvoir des plateformes qui ne sont pas régulées en Europe mais qui payent mieux, quitte à s'exposer à de lourdes amendes.

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Les nombreux défis du 21e siècle, et la crypto

L'augmentation des crimes liés aux cryptomonnaies fait partie du jeu. Plus il y a d'utilisateurs, plus il y a d'argent, plus il y a de crimes et de vols. Étant donné qu'une partie de l'économie mondiale pivote sur la blockchain, la criminalité s'adapte.

Le gouvernement et les États ne peuvent pas évoluer aussi vite. De plus, les cryptomonnaies et la blockchain ne sont pas les seules innovations à chambouler le monde ces dernières années. L'intelligence artificielle a amené un renouvellement inédit des arnaques, avec des logiciels capables d'imiter la voix et le visage d'une personne de manière indétectable.

L'informatique quantique fait également partie des grands défis du XXIe siècle. L’arrivée des ordinateurs quantiques cryptographiquement pertinents (QECP) menace directement les systèmes existants.

📰 Également dans l'actu : Crypto-crime, un Suisse libéré par le GIGN

À ce sujet, la Securities and Exchange Commission (SEC) a d'ailleurs émis une alerte à destination de la Crypto Task Force de Donald Trump et des établissements financiers américains.

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Les pertes liées aux cybercrimes ont atteint un record de 16,6 milliards de dollars en 2024 aux États-Unis, dont 9,3 concernent les arnaques aux crypto-monnaies, en hausse de 66 % par rapport à l’année précédente

La sécurité des Français est soumise à de nombreuses menaces. Mais, si celles liées au quantique et à l’IA sont réelles, l’industrie des cryptomonnaies est de loin la plus ciblée.

Des dizaines d'enlèvements, des commandos spécialisés, des réseaux d'arnaques… Il est temps de protéger notre monde.

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PS : À court d'options après avoir été victime de son arnaque, Jérôme a directement contacté Cryptoast par mail. Malheureusement, nous avons dû lui dire que l'argent n'avait probablement jamais été converti en cryptomonnaie, et qu'il était donc intraçable. Il a accepté de partager son témoignage pour pouvoir venir en aide à de futures victimes.

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ico

Sans chercher à l'accabler d'avantage, c'est à se demander comment Jérôme a pu assumer un poste d'ingénieur jusqu'à sa retraite. Ça demande quand même une certaine vivacité d'esprit, de rationalité et de capacité de discernement. Apprendre à apprendre, tout le temps. Que ce soit le job, les cryptos ou n'importe quel nouveau sujet, technique ou non.

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