Plus Token : histoire d’une arnaque aux bitcoins à plus d'un milliard de dollars
Avec le récent crash du Bitcoin, beaucoup d’analystes ont tenté d’expliquer les raisons de cette soudaine baisse. Coronavirus selon certains, problèmes structurels pour d’autres… Mais si la raison était ailleurs ? La vente massive de bitcoins issus du système de Ponzi Plus Token pourrait-elle avoir un rôle dans la semaine noire des crypto-monnaies ? Retour sur ce scam et ses conséquences désastreuses pour l’écosystème.
Les débuts en fanfare d’un système de Ponzi
Plus Token, c’est avant tout un système de Ponzi qui prend l’apparence d’un programme d’investissement mis en place en mai 2018. Très prisé en Chine d’où il est originaire et en Corée, notamment par des novices, il promet un taux d’intérêt à deux chiffres, allant parfois jusqu’à 18% de rendement par mois pour des mises parfois faibles (dépôt de 500 dollars).
Pour maintenir l’illusion sur la réalité de l’entreprise, l’équipe affirme que les fonds sont investis pour le développement de produits reliés aux cryptomonnaies (création d’un portefeuille, d’une plateforme d’échange). L’argent des entrants dans le système permet ainsi de rémunérer les plus anciens, sans qu’aucune plus-value ne soit jamais créée. Pour maintenir ce mode de fonctionnement, un programme d’affiliation développé est mis en place afin de garantir de nouvelles ressources.
D’importantes récompenses sont ainsi attribuées à ceux qui font adhérer leurs proches à ce programme. Plus l’investisseur référence de nouveaux membres, plus ses taux d’intérêt augmentent. Quatre monnaies sont principalement ciblées: le Bitcoin, l’Ethereum, le Litecoin et EOS.
En plus de ce mécanisme d’affiliation bien rodé, Plus Token use également d’une communication agressive pour faire la promotion de ses services. Le projet multiplie les conférences, les annonces et les réceptions fastueuses pour attirer de nouvelles victimes. Doucement, le piège se referme. Début juin 2019, de premières critiques sont adressées à Plus Token, principalement sur le réseau social Weibo, car des difficultés et des délais concernant les retraits commencent à apparaître. Plus Token dément alors publiquement avoir le moindre problème et met en cause une augmentation des frais de minage pour justifier les retards. Reculer pour mieux sauter.
La cavale, la chute et la mise sous surveillance par la communauté
Mi-juin, stupeur pour les investisseurs. Alors que des premiers signes avant-coureurs tels que des délais de paiement commençaient à voir le jour, ils découvrent une note sur une des transactions: “sorry, we have run”. Les fraudeurs ont ainsi pris la fuite, ayant pris soin de récupérer au préalable plus de 3 milliards de dollars et déclenchant ainsi une véritable chasse à l’homme. Le 29 juin, le Vanuatu Daily Post affirme que les forces de l’ordre viennent d’arrêter six suspects. Ils sont alors extradés vers la Chine.
Si l’arrestation de cette équipe a porté un coup à ce réseau criminel, il n’en demeure pas moins que les monnaies dérobées continuent à circuler. Elles passent ainsi d’un portefeuille à un autre, sont écoulées par des courtiers indépendants principalement sur la plateforme d'échange chinoise Huobi.
À l’heure actuelle, le projet pourrait avoir encore 61,229 BTC non écoulés, qui pourraient encore influencer le marché. C’est en tout cas les chiffres annoncés par OXT Research dans une étude actualisée du 10 mars 2020, dont les rapports ont pour vocation de comprendre et d’évaluer les effets de situations spéciales dans l’univers du Bitcoin. Dans son analyse détaillée, OXT Research évoque ainsi “la première structure de type Ponzi à plus d’un milliard de dollars dans le monde de la crypto”. Cette étude tente également de préciser les mécanismes utilisés par les fraudeurs pour rester dans l’ombre.
Par ailleurs, des internautes tentent de suivre à la trace les mouvements des fonds, identifiant les portefeuilles reliés au projet. Un travail colossal, car ces mouvements se multiplient, dans le but de brouiller les pistes et d’effacer les traces.
Ainsi, Ergo, un utilisateur de Twitter, a annoncé avoir tracé 187,000 BTC sur les 200,000 dérobés. Il a remarqué qu’ils étaient envoyés de manière régulière sur des plateformes d’échange pour être liquidés, principalement sur Huobi encore une fois. Une estimation de cet internaute et que si les fonds issus du projet avaient été vendus graduellement depuis aôut , cela représenterait plus de 1,300 BTC par jour. Toujours selon les estimations d’Ergo, il resterait environ 58,000 bitcoins à écouler, ce qui pourrait prendre environ deux mois si l’on gardait le rythme actuel de vente. Ce qui laisse évidemment la porte ouverte sur une influence réelle sur les cours.
Suffisant pour expliquer le récent krach du Bitcoin ?
La liquidation de ces bitcoins ne peut pas expliquer à elle seule la récente dégringolade des cours. Cependant, elle peut y être associée. D’autant plus qu’il semble évident que les membres du projet utilisent la volatilité pour choisir les moments auxquels vendre. Le 7 mars 2020, Ergo a mis en lumière un mouvement de 13,000 Bitcoins à la vente par un portefeuille associé au projet. Certains analystes financiers comme Kevin Svenson estiment ainsi que l’équipe attend à chaque fois les pics du BTC pour vendre ses actifs, entraînant à chaque fois la chute du prix.
Ce scam, assez semblable à Bitconnect, au-delà des victimes lésées, jette également l'opprobre sur l’ensemble de l’écosystème, refroidissant la volonté de nouveaux acteurs d’investir dans les crypto-monnaies. Et laisse toute la place à l’éternel débat sur la question de la régulation.
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