La V3 d'Uniswap (UNI) : une mise à jour qui ne convainc pas la communauté
Le célèbre exchange décentralisé (DEX) Uniswap vient de dévoiler sa V3. Au programme : protocole de couche 2, ordres limites et copyright. Une version accueillie en demi-teinte par les amateurs de la finance décentralisée (DeFi). On fait le point sur les changements de cette mise à jour attendue pour le 5 mai.
Depuis 2018, Uniswap règne en maître sur l’écosystème de la finance décentralisée (DeFi). Premier exchange décentralisé (DEX) en termes de volume quotidien, la licorne à la crinière mauve a permis l’échange de 135 milliards de dollars via sa V2, qui touche désormais à sa fin. Après plusieurs longs mois d’attente alimentés par Hayden Adams, le fondateur d’Uniswap, le protocole a enfin dévoilé les grands changements qui interviendront avec sa version 3, le 5 mai prochain. On décrypte les principales innovations avec Marc Zeller, du protocole Aave.
Les grands changements de la V3 d'Uniswap
La concentration de liquidité
Premier grand point de cette version 3 : La possibilité de concentrer son apport de liquidité. Dans la version actuelle d’Uniswap, la liquidité est répartie uniformément le long d'une courbe de prix, avec des actifs réservés pour tous les prix compris entre 0 et l'infini. Pour la plupart des pools, une majorité de cette liquidité n'est jamais utilisée. Dans Uniswap V3, les apporteurs de liquidité pourront concentrer leur capital dans les fourchettes de prix sur mesure, offrant de plus importantes liquidités à des prix souhaités.
« Avec cette version, Uniswap propose une sorte de carnet d’ordre, » décrypte Marc Zeller d'Aave, un autre protocole phare de la DeFi. « La beauté de la version actuelle d’Uniswap, c’est qu’elle offre un retour passif sur les cryptomonnaies. Avec la V3, ce retour deviendra actif, puisqu'il faudra sans cesse déterminer la fourchette de prix. C’est une opportunité en or pour les professionnels, puisque les profits seront démultipliés, mais ça rend plus difficile l'accès au protocole pour les particuliers. »
Parlons chiffre. Cette concentration de liquidité permettra mathématiquement des retours sur investissement (APY) énormes. Un simulateur permet déjà de s'y projeter sur le blog d'Uniswap. Mais cette fonctionnalité augmente énormément le risque d’impermanent loss.
Explication. Prenons le pool ETH/DAI sur la future V3. Au moment de fournir la liquidité dans le pool, le prix de l'Ether est de 2 000$. Vous décidez de concentrer la liquidité sur la fourchette 1 800$ / 2 200$. Si l'Ether passe brusquement à 2 400$, le prix de l'actif quitte votre fourchette de prix. Votre position ne sera composée que de l'actif DAI et vous ne gagnerez plus de frais sur les swaps.
« C’est un système un peu étrange. J’espère que les investisseurs comprendront cette subtilité, car si le fournisseur de liquidité n'est pas assez attentif, il peut vite se retrouver perdant », confie Marc Zeller.
Les Layer 2
Seconde annonce importante, mais attendue : Uniswap sortira sur layer 2 Optimism en mai prochain.
« L’équipe de développement a accumulé beaucoup de retard. Ils avaient annoncé un lancement en mars, mais avec la news d'Uniswap, aucune chance de voir Optimism opérationnel avant mai. »
Quoiqu’il en soit, ces layer 2 arriveront bien au printemps. Principal changement : la baisse des frais. Si une transaction Uniswap coûte aujourd’hui une quarantaine de dollars en moyenne, elle ne coûtera plus que quelques centimes sous Optimism. Une innovation indispensable au bon fonctionnement de la V3.
Des frais flexibles sur les pools
Uniswap V3 proposera aux fournisseurs de liquidité trois niveaux de frais distincts par paire : 0,05%, 0,30% et 1,00%, contre 0,30% sur toutes les transactions actuellement. L'objectif ? Que les fournisseurs de liquidité adaptent leurs marges en fonction de la volatilité attendue des paires : plus de frais dans des paires non corrélées comme ETH / DAI et inversement, moins dans paires corrélées comme USDC / DAI.
« Avec cette manipulation, l'équipe souhaite clairement prendre du terrain à Curve, qui reste aujourd’hui le meilleur DEX pour stablecoins, » analyse Marc.
Une complexité qui éloigne un peu plus Uniswap de l’écosystème
Avec cette capacité de concentrer la liquidité sur les pools, adieu les LP tokens, bonjour les tokens non fongibles (NFTs). « Cela impliquera moins d’interopérabilité entre les protocoles en bout de chaine», regrette Marc.
De quoi parle-t-on ? Sur la V2, chaque fournisseur de liquidité recevait des LP tokens qui témoignaient de l'implication en tant que fournisseur de liquidité dans un pool Uniswap. Chaque LP token d'un pool était identique, seul le nombre changeait en fonction de l’apport de liquidité. Mais avec cette possibilité de concentrer la liquidité dans un range, plus de fongibilité.
« La V3 est beaucoup plus orientée finance que sa grande sœur. Il sera extrêmement complexe de se servir de l’apport de liquidité d’Uniswap dans d’autres protocoles. »
Aujourd’hui, un investisseur peut se servir des LP tokens en collatéral sur le protocole Aave notamment. Mais les NFTs remplaceront ces LP tokens à l'avenir. Reprenons l'exemple de notre fournisseur de liquidité sur la paire ETH/DAI. Son range était de 1 800$ à 2 200$. Impossible que chaque fournisseur de liquidité ait choisi la même fourchette de prix au dollar près. Impossible donc d'émettre des tokens fongibles.
« Sur des pools spéculatifs, comme AAVE/ETH, il sera extrêmement compliqué d'estimer et de gérer la valeur de ce NFT. D'autant que si le prix sort du range, le token n’est plus actif. C’est un défi technique sans précédent si l'on souhaite maintenir d’interopérabilité entre les protocoles, une composabilité si chère à la finance décentralisée. »
Un choix qui isole un peu plus Uniswap du reste de la sphère DeFi.
Une V3 désormais sous copyright
Dernier point plus surprenant, la V3 d’Uniswap sera sous copyright :
« Ils ont voulu mettre un stop à SushiSwap et autres DEX qui ont copié à tour de bras leur V2. C’est un choix sans précédent. Pour les deux prochaines années, émettre un fork d'Uniswap V3 deviendra illégal. Ce n’est pas trop dans l’esprit de la communauté, » confie Marc.
Une version qui pourrait coûter cher à Uniswap ?
Cette version, qui mise davantage sur les professionnels et qui tend vers plus de régulations pourrait-elle coûter cher à la licorne violette ? Oui et non.
« Uniswap sur Optimism va drainer énormément de liquidités auprès des professionnels et des vaults comme Yearn ou Stake DAO. Et pour cause, les rendements seront énormes grâce à la concentration de la liquidité. Mais pour les particuliers, ou les investisseurs qui cherchent des revenus passifs, ils se tourneront probablement vers SushiSwap. Tout le monde ne veut pas être trader haute fréquence, » conclut Marc Zeller.
Si cette V3 n’a pas convaincue la communauté pour le moment, c’est notamment parce que les fonctionnalités annoncées n'ont pas été à la hauteur des promesses de son fondateur. Le token UNI notamment, ne génère toujours aucun revenu à ses détenteurs et sa capacité de vote est très largement restreinte par le consortium requis pour émettre une proposition.
Mais dans le fond, cette version 3 d’Uniswap, accompagnée des layer 2, devra permettre au DEX d’engranger de nouveaux records cette année.
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Article intéressant merci ! Je ne suis pas forcément d'accord avec le dernier argument de Marc Zeller sur le fait que les particuliers préfèreront se tourner vers SushiSwap. Je pense que ce sera le cas seulement si SushiSwap sera AUSSI sur layer 2 en Mai. Parce que sinon les frais abusifs affectent beaucoup + les particuliers que les pro qui n'ont pas les même revenus. D'ailleurs l'attrait récent de la BSC prouve que cette argument du prix des FEES est primordial.