Formation des forces de Police à la blockchain : entretien avec le Major Erwan Bouliou
Plus tôt en septembre, nous apprenions que la Police nationale recrutait des experts de la blockchain et des cryptomonnaies. Afin de faire suite à cette nouvelle, Cryptoast est allé à la rencontre du Major de Police Erwan Bouliou, pour en apprendre plus sur la formation des forces de l’ordre au Web3.
Entretien exclusif avec un formateur blockchain de la Police nationale
Récemment, nous avons mis en lumière les campagnes de recrutement des forces de Police et de Gendarmerie concernant la blockchain. Face à l’expansion de l’écosystème, ces deux institutions, au même titre que l’ensemble des organismes de l’État, ont besoin de se tenir au fait des dernières innovations.
Afin de comprendre comment sont formés ces agents, Cryptoast a échangé avec le Major de Police Erwan Bouliou, dont les compétences en actifs numériques et en cybercriminalité lui assurent un rôle stratégique dans la formation des policiers.
Le portrait professionnel d’Erwan Bouliou
Erwan Bouliou a commencé sa carrière de policier en 1994 et s’est très vite tourné vers la cybercriminalité. Aujourd’hui, avec 25 ans d’expérience dans ce domaine, il détient plusieurs qualifications professionnelles, comme celles d’Officier de Police Judiciaire (OPJ), d’Enquêteur sur Pseudonyme (ESP) ou encore d’Investigateur en Cybercriminalité (ICC).
Son parcours professionnel d’investigateur en cybercriminalité l’a amené à travailler pour divers services spécialisés. Il compte notamment 5 ans à la sûreté départementale de Versailles et 10 ans à l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC).
Ainsi, il a pu enquêter sur pléthores de domaines :
- Pédopornographie ;
- Fraudes téléphoniques ;
- Escroquerie ;
- Analyses informatiques et téléphoniques.
Erwan Bouliou s’est toujours tenu informé des dernières innovations technologiques. Il découvre pour la première fois les cryptomonnaies en 2011, mais c’est à la fin de l’année 2013 qu’il prend conscience de leur utilisation par les cybercriminels, au travers de l’arrivée du ransomware CryptoLocker.
Cela l’a amené à s’intéresser plus en détail à la blockchain, ce qui lui a permis de rejoindre la Direction Centrale du Recrutement et de la Formation de la Police Nationale (DCRFPN), il y a plus de huit ans maintenant, pour former ses collègues.
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Depuis combien de temps des formations sur la blockchain sont proposées aux policiers, et qu’est-ce qui a motivé ce besoin ?
« La Police nationale a intégré les cryptomonnaies dans ses formations depuis une dizaine d’années. Jusqu’à la fin des années 2000, les délinquants utilisaient essentiellement les espèces, les chèques, les virements ou les cartes bancaires. L’apparition de Bitcoin en 2009, et de blockchains plus anonymes au fil des ans comme Zcash et Monero sont venues changer la donne. Ces monnaies sont souvent utilisées par les délinquants pour réaliser des achats illicites sur le darkweb, pour rançonner des entreprises ou encore pour blanchir des capitaux frauduleux. Les crypto-actifs s’appuient sur des technologies spécifiques que les policiers doivent maîtriser pour pouvoir enquêter efficacement. »
Est-ce que les formations que vous proposez s’adressent exclusivement aux policiers ?
« L’unité de formation et son réseau de formateurs interviennent principalement au profit des policiers nationaux, mais nous recevons également des magistrats, des fonctionnaires des douanes et d’autres services de l’État. Nous avons de plus en plus de demandes d’échanges interministériels. Dans le cadre de la coopération internationale, nos formateurs peuvent être amenés à former nos partenaires étrangers, les compétences françaises sont très appréciées. »
Au cours de nos échanges, Erwan Bouliou a d’ailleurs estimé que « la France va dans le bon sens » pour la formation de ses agents, en comparaison d’autres pays. D’ailleurs, lesdites formations ne concernent pas exclusivement les cryptomonnaies, mais bel et bien l’ensemble des outils pouvant être utilisés par un cybercriminel.
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Différents parcours ciblés en fonction des besoins des agents
Existe-t-il plusieurs parcours de formations pour vos agents ?
« Nous avons mis en place des formations différenciées en fonction des connaissances attendues. Ainsi, cela va des formations de bases qui permettent aux policiers de comprendre les crypto-actifs, jusqu’à une expertise destinée aux enquêteurs, afin qu’ils puissent tracer et faire saisir les fonds frauduleux. De plus, des mises à jour avec des modules avancés intégrant les dernières nouveautés viennent régulièrement enrichir les connaissances des policiers. »
Quelles sont les notions abordées durant ces formations ?
« Pour des raisons de confidentialité, il est difficile d’évoquer publiquement ce qui est enseigné aux policiers. Mais sans trahir de secret, nous allons aborder le fonctionnement des cryptomonnaies et les mécanismes des blockchains sous-jacentes. Nous travaillons sur la méthodologie d’enquête et l’utilisation des outils de traçage, qui sont indispensables pour suivre les transferts. Les cybercriminels n’hésitent pas à brouiller les pistes, par exemple en faisant appel à des services de mixage. Les investigateurs apprennent donc à tracer et à identifier les délinquants qui se servent des crypto-actifs, mais la finalité du travail est également de les priver du bénéfice de leurs méfaits. »
Lorsque des avoirs frauduleux sont identifiés, Erwan Bouliou nous indique qu’il peut alors y avoir des saisies. Ces fonds sont ensuite confiés à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). Ensuite, ils peuvent être vendus au bénéfice de l’État, comme cela avait été fait pour 600 BTC au printemps dernier.
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Y a-t-il des critères d’éligibilités pour ces formations ou sont-elles ouvertes à tous les agents ?
« Nous avons laissé la possibilité à tous les agents des services enquêteurs qui en font la demande de participer à ces formations. Cela permet à tout policier de pouvoir se former et d’évoluer dans ce domaine spécifique. Cependant, par souci de cohérence, nous privilégions les policiers affectés dans des services spécialisés ou directement concernés par les cryptomonnaies. »
Ensuite, le personnel formé rejoint la communauté RACINE, cette dernière étant l’acronyme de Réseau des Acteurs de l’Investigation NumériquE :
« Cette communauté permet les échanges techniques entre les différents spécialistes de la Police, qui sont ainsi au courant de toutes les évolutions en temps réel. »
Est-ce que ces formations peuvent servir de passerelles dans le cadre de mutations internes ?
« Lors des mutations professionnelles, certains services de la Police nationale recherchent des policiers ayant réalisé les stages en investigation numérique pour occuper des postes spécifiques. La formation professionnelle permet donc d’évoluer vers de nouveaux emplois. Mon ancien service, l’OCLCTIC à la direction centrale de la police judiciaire, recrute jusqu’au 31 décembre des experts titulaires ou contractuels dans le domaine des cryptomonnaies. »
La Police au cœur des avancées en matière de cybersécurité
Afin de tenir ses agents à jour sur les dernières avancées de notre écosystème, la Police compte sur vingt centres de formation répartis en métropole ainsi que sept en outre-mer. En l’espace de 5 ans, ce sont 25 000 actions de formations qui ont été menées, ce qui a permis de mettre à niveau 7 500 à 9 000 agents.
Bien évidemment, cela va au-delà de la simple notion de blockchain qui, rappelons-le, ne reste qu’un outil. Au total, la Police Nationale dispose de plusieurs centaines de cyberpatrouilleurs, afin de mener à bien ses différentes missions.
En conclusion de nos échanges, Erwan Bouliou est également revenu sur les tokens non fongibles (NFT), la finance décentralisée (DeFi) et, de façon plus générale, sur les différentes innovations de notre écosystème.
Ces différents éléments seront sujets à amener de nouveaux défis en cas d’utilisations illicites, des défis qui risquent d’avoir une importance capitale dans le futur, et pour lesquelles la Police se tient prête à former son personnel.
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Les investissements dans les crypto-monnaies sont risqués. Il n’existe pas de rendement élevé garanti, un produit présentant un potentiel de rendement élevé implique un risque élevé. Cette prise de risque doit être en adéquation avec votre projet, votre horizon de placement et votre capacité à perdre une partie de cette épargne. N’investissez pas si vous n’êtes pas prêt à perdre tout ou partie de votre capital