France : l'Assemblée nationale durcit le ton et renforce l'enregistrement PSAN pour les sociétés crypto
L'Assemblée nationale aura donc voté favorablement à un renforcement des prérequis concernant les entreprises du secteur crypto qui souhaiteraient bénéficier de l'enregistrement PSAN en France. Nous avons interrogé Faustine Fleuret, la présidente de l'Adan, afin de mieux comprendre les enjeux de cette loi et ce qu'elle implique pour le développement des cryptomonnaies en France.
L'Assemblée nationale appuie le renforcement de l'enregistrement PSAN
Hier, mardi 28 février, l'Assemblée nationale s'est accordée à voter en faveur d'un durcissement des règles permettant d'allouer à une société crypto le précieux statut de Prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) permettant d'opérer sur le sol national.
La loi, votée à 109 voix contre 71, exigera des sociétés souhaitant s'enregistrer auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) de faire preuve de davantage de transparence vis-à-vis de certains critères, notamment en présentant une politique interne de gestion des conflits, une capacité à se défendre en cas de cyberattaque ou encore en s'assurant de communiquer de manière non trompeuse et claire.
Ladite loi doit encore passer entre les mains du Président de la République Emmanuel Macron avant d'être validée sous un délai maximal de 15 jours. Dans le cas où cette dernière ne serait pas approuvée par le chef de l'État, elle sera retournée devant l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, au-delà du changement de cadre législatif pur, notons également que ce renforcement s'appliquerait dès le mois de juillet (et concernerait donc toute nouvelle entreprise souhaitant bénéficier de l'enregistrement PSAN) s'il venait à recevoir son approbation finale, au lieu du début d'année 2024 initialement évoqué.
Toutefois, les entreprises bénéficiant déjà de l'enregistrement en tant que PSAN auprès de l'AMF (une soixantaine) n'observeront aucun changement les concernant et continueront de bénéficier du délai de transition relatif au règlement MiCA, dont l'entrée en vigueur est envisagée pour 2026.
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Un juste milieu qui peine à être trouvé
L'Assemblée législative peine à s'accorder sur un encadrement approprié de l'écosystème crypto, bien qu'elle se soit déjà montrée capable de le laisser respirer de temps à autre. Rappelons à ce titre que le sénateur centriste Hervé Maurey avait tenté d'introduire un amendement visant à rendre obligatoire l'agrément PSAN pour les prestataires non enregistrés, et ce pour une entrée en vigueur prévue pour le mois d'octobre 2023.
Une proposition qui a heureusement été écartée rapidement grâce aux efforts de l'Association pour le développement numérique (Adan) et d'autres acteurs de l'écosystème, qui ont uni leurs efforts pour démontrer à quel point une telle mesure serait catastrophique - pour ne pas dire fatale - pour le milieu crypto en France.
C'est suite à ces dialogues que le renforcement PSAN a fini par être renforcé, bien que son entrée en vigueur n'était initialement pas envisagée pour le mois de juillet.
Afin de mieux comprendre quels sont les enjeux de cette loi et évaluer son impact concernant le développement des entreprises du secteur crypto dans l'Hexagone, nous avons interrogé Faustine Fleuret, la présidente de l'Adan, afin de lui poser quelques questions.
Commençons par le positif : les sociétés souhaitant s'enregistrer en tant que PSAN n'auront donc pas à s'encombrer de l'agrément obligatoire, bien que ledit enregistrement soit considérablement renforcé. Comment accueillez-vous cette nouvelle ?
Faustine Fleuret : En effet, le renforcement de l’enregistrement des nouveaux PSAN s'avère une alternative plus favorable à la profession, en comparaison avec l'accélération de l’agrément obligatoire en France qui a été un temps envisagé. Mis à part les règles relatives à la cybersécurité, les exigences venant alourdir l’enregistrement sont pragmatiques et atteignables dans un calendrier accéléré y compris pour de jeunes structures. Notamment, l'obligation d'obtenir une assurance responsabilité civile professionnelle - produits quasi inexistants aujourd'hui - a été écartée, ceci laissant encore le temps de résoudre cet écueil d’ici l’entrée en application de MiCA en 2024.
Ces exigences additionnelles proviennent par ailleurs directement de MiCA, ce qui avancera les acteurs dans leur mise en conformité à la réglementation européenne. Enfin, l'impact de l'enregistrement renforcé sera plus limité (mais néanmoins réel) que celui de l'agrément obligatoire sur la charge de travail des autorités (donc les délais d’instruction des dossiers), l'incertitude réglementaire (donc la roadmap des PSAN devant s’enregistrer) et l’attractivité de la France pour les acteurs étrangers cherchant à s’établir en UE.
Concernant le renforcement des conditions d'enregistrement pour les futurs PSAN, cela leur sera-t-il préjudiciable ?
F.F : Même si le scénario du pire pour le secteur a été évité, la solution votée hier à l'Assemblée nationale présente deux grands écueils. D'une part, le calendrier de mise en place de l'enregistrement renforcé a été précipité à l'issue de la Commission mixte paritaire et concernera tous les PSAN déposant un dossier à compter du 1er juillet 2023, ou dont le dossier n'aura pas été traité à temps. D'autre part, l’ajout des exigences en matière de cybersécurité sera préjudiciable en particulier aux nouveaux entrants, alors que la mise en conformité à ce volet nécessite un investissement considérable (de plusieurs centaines de milliers d'euros) et que de nombreuses clarifications sont attendues des acteurs.
Le Ministre délégué chargé de la Transition numérique Jean-Noël Barrot a récemment déclaré au micro de BFM Crypto que ce renforcement « ne remet pas en question, à mon sens, la vigueur, la vitalité de l’écosystème et l’attractivité du cadre français pour la préparation à l’application de la réglementation européenne MiCa ». Êtes-vous également de cet avis, ce renforcement est-il un bon moyen de se préparer à l'arrivée de MiCA ?
F.F : En s’inspirant du socle commun des règles que l’ensemble des PSAN devront respecter sous l’ère MiCA, plutôt que de notre agrément franco-français (proche, mais pas parfaitement équivalent à MiCA), le régime renforcé amènera les prochains PSAN enregistrés aux portes de MiCA. Lors des trilogues en 2022, l’Adan avait poussé pour la mise en place de procédures simplifiées afin que les acteurs de marché respectant déjà des exigences constitutives de MiCA au titre de la législation française n’aient pas à renouveler l’exercice auprès des autorités qui devraient vérifier à nouveau le respect de ces dispositions, doublant par la même le temps et les coûts alloués par les entreprises pour leur mise en conformité. Ainsi, nous pouvons abonder dans le sens du ministre et espérer qu’un certain nombre de PSAN - ceux qui seront nouvellement enregistrés, mais également les prestataires qui auraient réussi à s’agréer - seront en ordre de marche dans les temps pour l’harmonisation règlementaire européenne.
Néanmoins, l’évolution de la législation française pourrait mettre à mal l’émergence de futurs PSAN et l’établissement d’acteurs étrangers en France si l’ensemble des conditions périphériques ne sont pas réunies.
D’une part, pour être efficace, une réglementation quelle qu’elle soit doit être adaptée aux spécificités des activités que celle-ci encadre, et proportionnée en fonction du profil des acteurs visés (leur taille, leur maturité, leurs ressources) et des risques qu’elles portent. Je réitère donc ici les craintes précédemment évoquées que suscite l’ajout du volet cybersécurité.
D’autre part, pour être crédible et protectrice des entreprises qui la respectent contre la concurrence déloyale de celles qui s’en dispensent, une réglementation doit disposer des moyens de ses ambitions. Ainsi, tant pour autoriser les acteurs dans des délais raisonnables que pour contrôler le respect des règles par tous (et sanctionner le cas échéant), les autorités devront considérablement accroître leurs ressources et leur expertise. À effectif constant, le goulot d’étranglement des PSAN déjà en attente d’être enregistrés depuis des mois ne fera que s’aggraver, et les acteurs en défaut de conformité avec nos règles continueront d’adresser le public français et européen sans en être empêchés. Dans un monde par essence transfrontière, la réglementation ne peut faire l’économie d’une supervision efficiente et d’une harmonisation à l’international.
Ces risques se matérialisent dès aujourd’hui de deux façons : les nouveaux acteurs locaux envisagent de se développer chez nos voisins, et les grandes entreprises étrangères qui considéraient la France pour établir leur camp de base en Europe hésitent désormais. Tant que l’on n’aura pas compris que l’émergence des champions du web 3 doit être propulsée par deux moteurs indissociables, la réglementation et la compétitivité, nous manquerons les objectifs visés par ces règles - comme la protection des utilisateurs - et nous malmènerons l’avenir de notre souveraineté numérique.
Afin de compléter cet article et si vous souhaitez obtenir davantage d'informations quant à la vision de l'Adan sur le futur proche de notre écosystème crypto français, nous vous invitons vivement à lire le bilan de l'Adan publié le 1er mars.
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