Entretien : le DJ Agoria nous raconte son coup de foudre pour le Web3

Vétéran de la scène techno française, Agoria fait aujourd’hui partie des artistes les plus en vue du Web3. Fasciné par cette révolution, il s’essaie à toutes les expérimentations permises par la technologie blockchain. Il a sorti plusieurs collections de NFTs et s’apprête à inaugurer son Land dans The Sandbox. Rencontre avec un artiste touche-à-tout séduit par les pouvoirs exceptionnels du Web3.

Entretien : le DJ Agoria nous raconte son coup de foudre pour le Web3

De la musique électronique aux NFTs artistiques

Figure majeure de la scène électronique internationale, le Lyonnais Agoria écume les clubs mythiques et les plus grandes scènes du monde depuis plus de 20 ans. À la fois DJ, producteur, compositeur pour le cinéma et sound designer, on peut dire qu’il a roulé sa bosse dans la musique.

Au fil du temps, et des collaborations avec des artistes comme le plasticien français Philippe Parreno, il a voulu dévoiler d’autres facettes de sa personnalité créative. C’est comme ça qu’à partir de 2019, il a commencé à exposer ses photographies sous son vrai nom, Sébastien Devaud.

Entre temps, il a fait la découverte de Bitcoin et du manifeste de son créateur Satoshi Nakamoto. Sceptique dans un premier temps, il a fini par se plonger dans la technologie blockchain jusqu’à créer ses premiers NFTs. Il nous raconte son parcours qui l’a amené à devenir l’un des artistes Web3 les plus intéressants du moment.

? À lire pour devenir incollable sur les NFTs et tout comprendre en quelques minutes

Comment es-tu entré dans l'univers de la blockchain ?

« C’était en 2016 grâce aux DJs Danny Daze et Patrice Bäumel, deux potes musiciens qui m’en ont parlé au même moment. Au tout début, je n'y croyais pas trop. C’était assez opaque, un peu flou vu de l’extérieur, donc j’ai mis un peu de temps avant de m’y mettre vraiment. Puis un autre ami, le musicien Gesaffelstein, m’a conseillé de regarder ça de plus près parce qu’il trouvait ça intéressant, notamment d’un point de vue philosophique. C’est comme ça qu’à partir de 2017-2018, j’ai commencé à m’impliquer dans ce domaine et à en comprendre les enjeux. »

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Quand as-tu décidé de créer ton premier NFT (token non fongible) ?

« C'est vraiment pendant la pandémie, parce que ça demande beaucoup de temps. Un jour, j’ai été contacté par la galeriste Victoire de Pourtalès. Elle voulait que je sonorise la récolte d’un champ de chanvre, le cousin du cannabis. Comme j’avais déjà joué dans les champs pendant des années avec les rave parties, je me suis dit que je pourrais faire autre chose. J’ai donc appelé deux de mes amis : Nicolas Becker, un super sound designer qui a eu un Oscar pour le film « Sound of Metal », et le biophysicien Nicolas Desprat. On s'est dit que ce serait cool d'étudier et de sonoriser ce qui se passe dans le sol au moment de la croissance des micro-organismes de chanvre, d’observer comment le cannabis se développe. On a bidouillé un microscope du CNRS pour pouvoir filmer ce processus, et au bout d'un mois on a commencé à avoir de premiers résultats. On a trouvé des trucs incroyables, des filaments verts qui se développent. Ça devient très architectural, très construit, avec limite des autoroutes, des circuits… Et tout ça, on ne le savait pas avant de le filmer hein, c'était la surprise. Ce que je trouve beau, c'est qu’en partant d'une idée toute simple, on a fait un film. Et comme il s’agissait d’une vidéo du vivant, je me souviens avoir dit que ce serait cool de proposer le premier NFT végétal. Ça permettait d’inscrire le vivant dans la blockchain. »

Visiblement, le format NFT t’inspire…

« Oui, ce premier projet a donné naissance à toute ma pratique actuelle que j’appelle art génératif biologique, à la croisée des chemins entre l'intelligence des systèmes vivants et ce qu'on appelle l'intelligence artificielle. Je trouve qu’il y a plein de choses intéressantes à mêler entre les deux. J’ai donc fait quelques drops sur Foundation, puis j’ai rencontré des gens de Tezos et j’ai été agréablement surpris. Je me suis senti comme aux débuts de la musique électronique, quand on ne se posait pas de questions, quand tout était possible. Autant du côté des collectionneurs que des créateurs, la communauté artistique sur Tezos est magique. Je ne sais pas jusqu'à quand ça va durer dans cette bienveillance, mais c’est vraiment incroyable. J’ai donc fait quelques drops sur Objkt avec mes photos, et tout de suite les gens ont adhéré. »

Le Web3 favorise-t-il une certaine liberté créative ?

« Il me permet de mêler facilement mes différentes passions. Peu importe que je fasse de la photo, de la vidéo, de la musique ou de l’écriture. Au final, je présente une œuvre et c’est le public qui décide si ça lui plaît. Avant les NFTs, on était dans une époque très sclérosée, qui te demandait d'être vraiment focalisé sur une seule chose. Mais pour ma propre santé mentale, j’ai besoin d’aller puiser l’inspiration partout. Un jour je fais de la photo, le lendemain je vais voir mes amis scientifiques, le jour suivant je vais rendre visite à mes potes codeurs, et en fin de semaine j’enregistre Nile Rodgers. Je ne peux pas passer ma vie enfermé en studio, mon cerveau d'artiste ne fonctionne pas comme ça. Le Web3 permet d’inventer plein de choses, et c’est pour ça qu’il est fait pour moi. »

Penses-tu que le Web3 rend l’art plus accessible ?

« Clairement ! Ça permet à n’importe qui de montrer et de vendre ses créations, ce qui était impossible avant. On entend souvent que les artistes peuvent très bien exposer leurs œuvres dans un musée ou dans une galerie. Mais 99 % des artistes n’y ont pas accès. Pour la première fois, tout le monde peut présenter son travail en toute liberté. Et ce n’est pas tout, les NFTs ont aussi permis à l'art de rentrer dans chaque foyer. Avant ça, il fallait aller dans un musée ou une galerie, il fallait connaître, il fallait oser passer le pas, il fallait avoir l'argent. »

? Pour aller plus loin : Qu’est-ce que le Web3, cette version décentralisée d’Internet ?

À ton avis, les NFTs facilitent-ils les collaborations entre artistes ?

« C’est beaucoup plus fluide, mais je pense qu'un artiste qui voulait collaborer pouvait déjà le faire avant. Si demain je sors un album et je fais un clip, je vais travailler avec un réalisateur. Ce que ça simplifie par contre, c'est la répartition des droits entre artistes. Il n’y a pas de question à se poser : pour une collaboration avec trois ayants droit, on a trois contrats, trois adresses, et tous les flux sont automatisés, transparents, pérennes. Pour ça, c'est magique. »

Pour un musicien, tu ne parles pas beaucoup des NFTs musicaux… Qu’en penses-tu ?

« Si un artiste crée un NFT avec une musique de trois minutes et une pochette en illustration, je ne vois pas l’intérêt personnellement. Aujourd’hui, je trouve que la majorité des NFTs musicaux n'ont pas leur place. Par contre, je suis sûr que ça va arriver, mais pas dans les formats actuels. Je pense qu’il faudrait une nouvelle révolution technologique, de nouveaux usages. Tu vois par exemple, j'ai fait mon premier concert live minting aux Transmusicales. Pendant mon show, tu pouvais minter en direct un NFT comprenant l’audio et la vidéo. Je pense que c'est ce genre de démarche qui va nous permettre d’embarquer le grand public. Tu assistes à un show, tu flashes un QR code et tu mint gratuitement ton NFT en deux secondes. »

Tu ne crois pas aux morceaux de musique sous forme de NFTs ?

« Si, je pense qu'il y a beaucoup de choses à inventer, notamment en termes d’audio génératif avec des morceaux qui se transforment. Je suis sûr qu’il y aura un avènement de la musique en NFT. Après, on ne pourra pas enlever ce côté magique d’écouter un morceau qu'on connaît, ce côté affectif, donc je pense que le NFT musical restera une niche malgré tout. »

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Les fabuleux pouvoirs du Web3

Au-delà des NFTs, Agoria se montre très enthousiaste à propos des nombreuses innovations apportées par la technologie blockchain. Alors qu’il s’apprête cette année à ouvrir son Land dans le metaverse The Sandbox, il nous a dévoilé sa vision de ce nouveau champ d’expression pour les artistes. Il nous a également donné son avis sur le potentiel des DAO dans le domaine de la musique et de l’art en général.

Très au fait des enjeux de l’écosystème Web3, Agoria plaide pour une régulation intelligente de ces nouveaux outils. C’est pour lui un passage obligé pour favoriser l’innovation et offrir une liberté accrue aux créateurs tout en réduisant les risques pour les utilisateurs.

Que penses-tu du metaverse ? Est-ce un outil prometteur ou un gadget sans avenir ?

« Il y a une chose que j’aimerais clarifier à propos du metaverse, c’est qu’il n’a rien de virtuel. Si on considère qu'un film ou un livre font partie du monde réel, le metaverse aussi. Ce n'est rien d'autre qu’un nouveau type de divertissement dans notre réalité. En ce moment, je suis en train de construire mon Land dans The Sandbox, il devrait sortir d’ici quatre mois environ. Ça va s’appeler « One Life, Two Bodies ». Je suis très heureux de le faire parce que je considère cela comme un outil d'expérimentation, de diffusion d’idées, de partage de valeur. Je vois ça comme une aventure. Je compte créer le plus de passerelles possibles entre le monde réel et le monde physique. Tu vois, je parle de monde réel et de mon physique, et non de monde virtuel. »

Quelle est sa plus grande force ?

« Pour moi, l'idée motrice du metaverse, c’est qu’il nous permet d’être nous-mêmes. Je pense que ça peut séduire énormément de gens, car nous vivons dans un monde où l’on passe notre temps à cacher notre vraie nature, à jouer un rôle. Nous sommes épiés, contrôlés en permanence, alors que le metaverse offre une liberté totale. On peut s’y inventer des histoires et être beaucoup plus proches de qui nous sommes au plus profond de nous. Je crois beaucoup au metaverse pour cela, comme je crois à fond au Web3 pour son tissu social. »

 

Parmi les outils phares du Web3 figurent les DAO, qui permettent notamment d’engager plus fortement les communautés. Crois-tu à leur potentiel ?

« Je crois beaucoup aux DAO, mais ce type de gouvernance reste très compliqué à mettre en place. »

J’ai entendu dire que tu avais même pensé à tester ce système de gouvernance pour ton label Sapiens…

« Oui c’est vrai, mais je n'ai pas encore eu le temps d'aller au bout. L'idée première était que chaque artiste du label soit impliqué collectivement, qu’un pourcentage des revenus de chaque artiste aille à tous les autres. Ça ferait que tous les artistes du label seraient impliqués de façon organique, ce qui limiterait les petites guéguerres d’égo. Franchement, ça changerait tellement de choses. Mais ça impliquerait un système avec trois tokens différents, donc c'est un peu une usine à gaz à mettre en place. Et surtout, la raison pour laquelle je n'ai pas encore passé le pas, c'est que ça reste considéré comme un outil financier dans certains pays, ce qui fait que ce n'est pas du tout soumis aux mêmes règles. Tu vois, même si tu as une bonne idée qui est positive, ce n'est pas gagné. »

Tu penses qu’il faudrait plus de régulation pour que le Web3 puisse déployer ses ailes ?

« On a souvent tendance à opposer liberté et régulation, mais je ne suis pas du tout d’accord. Ça peut paraître paradoxal, mais je pense qu'un minimum de cadre amène à être beaucoup plus libre. Par contre, il faut que cette régulation soit faite en concertation avec ceux qui comprennent cet écosystème et qui en connaissent les enjeux. Il y a parfois une certaine méconnaissance des régulateurs qui peut avoir des conséquences catastrophiques. »

Penses-tu que l’écosystème de la blockchain ait son mot à dire sur la régulation en France ?

« On entend souvent que la France est toujours en train de se tirer une balle dans le pied. Là pour le coup, c'est un peu l'inverse, c'est la France qui tire. Nous sommes à la pointe sur ces technologies. Nous comptons plein d'entreprises solides, de gens doués dans cet écosystème qui montrent qu'ils ne sont pas là uniquement par appât du gain. Au contraire, ils bâtissent des boites, ils emploient du monde, ils participent à la construction de ces nouveaux outils. Ce serait dommage de gâcher cela, donc j’espère que le régulateur nous entendra. »

À ton avis, quel est l’enjeu majeur cette année pour que le grand public plonge dans le Web3 ?

« Je trouve que c’est une communauté et des codes qui sont difficiles d'accès. Même si c’est beaucoup plus simple aujourd’hui, on ne sait pas vraiment par où commencer. Il faut être entouré de gens qui nous prennent la main et qui nous montrent. Pour moi, l’un des enjeux de 2023 sera de simplifier l’expérience utilisateur pour favoriser l’adoption. Il faudrait rendre toute la partie technique invisible en fait, que ce soit quelque chose de complètement naturel. »

? Retrouvez tous nos autres dossiers, dont 3 sur le lien entre le Web3 et la musique

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