Enquête sur la face cachée de Mantra : la chute du token OM était-elle prévisible ?
Récemment, la crypto OM de Mantra a perdu plus de 5 milliards de dollars de capitalisation en un éclair. Derrière ce crash, une cascade de liquidations, des zones d’ombre, mais surtout un écosystème aux fondations bien plus fragiles qu’il n’y paraît. Enquête complète sur les dessous du scandale Mantra.

Un crash mémorable pour la crypto OM
Alors que Mantra était considéré comme un fer de lance du secteur des actifs du monde réel (RWA) il y a encore peu de temps, sa réputation est désormais entachée d'un sombre événement.
Le 13 avril, en seulement 1 heure, la valorisation de la crypto de Mantra, l'OM, a baissé de plus de 5 milliards de dollars.
Tableau représentant les données historiques de la crypto OM, en données journalières
Au lendemain de cette chute brutale, le projet Mantra et son fondateur Jean Patrick Mullin ont dû rendre des comptes à leur communauté ainsi qu'aux investisseurs qui leur ont fait confiance.
Bien que le compte rendu final des exchanges crypto impliqués ne soit pas encore public, Jean Patrick Mullin suggère une cascade de liquidations, notamment par des prêts collatéralisés en OM qui auraient été fermés arbitrairement sur des plateformes d'exchanges centralisés (CEX), à des heures de faible liquidité. Plus précisément, à 2 heures du matin, heure de Hong-Kong.
Jean Patrick Mullin n'a pas divulgué de quel CEX en particulier il s'agit. Il a néanmoins précisé que ce n'était pas Binance, ce qui désigne indirectement la plateforme OKX.
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Par ailleurs, le PDG de la plateforme OKX, Star Xu, a déclaré sur X qu'il s'agissait d'un « scandale majeur pour l'ensemble du secteur des cryptomonnaies » et que l'exchange publierait prochainement un rapport complet sur les événements.
It’s a big scandal to the whole crypto industry. All of the onchain unlock and deposit data is public, all major exchanges’ collateral and liquidation data can be investigated. OKX will make all of the reports ready! https://t.co/YYnb1ByUGL
— Star (@star_okx) April 14, 2025
Face à cette ampleur médiatique, des enquêteurs on-chain, et notamment le plus connu de tous, ZachXBT, se sont penchés sur la situation.
Contrairement au consensus qui désignait Laser Digital, un fonds de capital-risque lié à Mantra Chain, comme en partie responsable de la chute de la crypto OM, ZachXBT a désigné 2 personnes : Fukugo Ryoshu et Denko Mancheski, le fondateur de Reef Finance.
The two names I keep hearing tied to the Mantra incident are Denko (Reef Finance founder) and Fukogoryushu as they had allegedly been reaching out to a number of people asking for massive loans against their OM in the days leading up to the -90% crash.
For those unfamiliar REEF… pic.twitter.com/jQ0YLCMoGX
— ZachXBT (@zachxbt) April 14, 2025
ZachXBT avance également que ce dernier ne serait pas étranger à ce genre de manipulation car le cas a pu être constaté par le passé avec la crypto REEF.
Ainsi, cette histoire cache encore de nombreuses zones d'ombre. Néanmoins, nous n'essaierons pas dans cet article de tirer des conclusions hâtives pour désigner un coupable.
Au contraire, nous allons nous intéresser à l'écosystème de la Mantra Chain, aux tokenomics de la crypto OM, ainsi qu'au passé de l'équipe derrière le projet, en particulier celui de Jean Patrick Mullin.
Nous allons tenter de répondre à ces questions :
- La crypto OM était-elle sur/sous valorisée ?
- Y avait-il des signes avant-coureurs d'un potentiel crash ?
L'écosystème actuel de la Mantra Chain
Afin d'avoir un point de vue le plus exhaustif possible, nous avons exploré toutes les applications décentralisées (dApps) actuellement déployées sur la Mantra Chain.
Cela nous a menés à une conclusion peu reluisante : mis à part déposer de la liquidité, il n'y a pas grand chose à faire sur la Mantra Chain.
En effet, tandis que le projet se targue d'avoir signé des contrats avec des fonds d'investissements basés aux Émirats arabes unis pour tokeniser des actifs fonciers, notamment un contrat d'un milliard de dollars avec le groupe DAMAC, aucun actif foncier n'est actuellement disponible sur la Mantra Chain.
Par ailleurs, en explorant la dApp Estate Protocol, accessible depuis le portail de l'écosystème de Mantra, nous remarquons que les actifs fonciers tokenisés disponibles sont déployés sur des blockchains EVM, et non sur la Mantra Chain.
Il n'est également pas possible de se connecter à la dApp avec un wallet Cosmos comme Keplr ou Leap mais uniquement avec des wallets EVM comme Rabby ou MetaMask. En d'autres termes, il n'est pas possible d'investir avec la crypto OM.
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Ce même schéma se répète avec une autre dApp mise en avant par la Mantra Chain : Pyse. Cette dernière est spécialisée dans la tokenisation d'actifs liés aux énergies renouvelables.
Ici encore, il n'est pas possible d'investir dans les produits de Pyse avec le token OM, alors même que certains d'entre eux sont floqués à l'effigie de Mantra :
Par ailleurs, les 2 projets que nous venons d'évoquer ont été incubés par Mantra, ils ont donc bénéficié d'un « mentorat et d'un accompagnement » afin de se déployer sur la Mantra Chain.
Outre le projet NFT et le memecoin mis en avant par Mantra, l'écosystème de finance décentralisée (DeFi) sur la Mantra Chain est également plutôt restreint. À l'écriture de ces lignes, DeFiLlama, plateforme de référence pour recenser la valeur totale verrouillée (TVL) d'un projet, estime que celle de la Mantra Chain est de seulement 2,24 millions de dollars.
Générez des rendements et soyez éligible au prochain airdrop d'EthenaIl est inutile de préciser que moins de 3 millions de dollars de TVL pour un projet capitalisé à plus de 6 milliards de dollars soit à minima alertant sur la crédibilité de cette valorisation.
Néanmoins, cette estimation ne prend pas en compte la TVL des protocoles Libre Capital et Fluxtra, du fait de leur nature respective.
Tableau représentant la TVL de la Mantra Chain et de ses protocoles
Tandis que Libre Capital est une plateforme RWA réservée aux institutionnels, Fluxtra est un protocole de liquid staking pour la crypto OM.
Nous avons contacté chaque projet mis en avant sur la page de l'écosystème de Mantra dans le but d'obtenir des réponses sur leurs projets, leurs ambitions et leurs liens avec la Mantra Chain, aucun d'entre eux ne nous a encore répondu.
Ainsi, l'écosystème de la Mantra Chain semble bien pauvre en allant chercher au-delà des apparences. La valorisation de 6 milliards de dollars pour un écosystème aussi peu développé apparaît comme totalement décorrélée de la réalité.
Les tokenomics douteuses de Mantra Chain
Intéressons-nous désormais aux tokenomics du projet, un pan primordial dans la compréhension du modèle économique de chaque cryptomonnaie.
Alors que les tokenomics semblaient relativement être dans les normes avant le lancement de la Mantra Chain, le projet les a drastiquement changé au cours d'un vote de gouvernance controversé.
En effet, tandis que les unlocks d'OM touchaient à leur fin, le projet a opté pour une nouvelle émission de tokens. Passant de plus de 888 millions tokens OM à plus de 1,8 milliard, le projet a plus que doublé sa supply.
Cette information est d'autant plus importante lorsque l'on considère que le projet a lancé une grosse campagne d'incentive, avec airdrop à la clé, quelques mois avant son lancement.
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Ainsi, la nouvelle émission servirait notamment à récompenser les utilisateurs ayant déposé de la liquidité dans le projet. Néanmoins, cette méthode est relativement douteuse lorsque l'on a conscience qu'elle se fait au détriment des investisseurs qui ont vu la valeur de leurs tokens OM se faire diluer.
Par ailleurs, la totalité de l'airdrop n'a pas encore été distribuée, et les modalités de sa distribution ont été revues à plusieurs reprises post snapshot.
Ce sont notamment ces dernières informations qui ont commencé à alerter Cryptoast Academy sur le sujet. Nous avons partagé à nos membres nos doutes croissants sur le projet dès le 24 février :
Capture d'écran de l'alerte partagée aux membres de Cryptoast Academy
En plus de ce que nous venons d'évoquer, Jean Patrick Mullin a avoué, lors d'une vidéo avec l'enquêteur on-chain Coffeezilla, que le projet Mantra avait eu recours à une méthode, disons impopulaire, pour « soutenir le prix ».
La méthode est la suivante :
- Le projet Mantra conclut des deals de pair à pair (OTC) avec des investisseurs institutionnels qui obtiennent des tokens OM avec des rabais de - 30 à - 50 % du prix du marché. Ces tokens sont soumis à un vesting, il ne peuvent donc pas les vendre sur le marché pour amortir leur investissement ;
- Une partie des liquidités récupérées par Mantra sont confiées à des Market Makers (MM) qui réinjectent la liquidité dans le token OM « à des moments stratégiques » ;
- Le prix de la crypto OM s'apprécie grâce à la liquidité injectée.
Schéma représentant la méthode de Mantra pour injecter de la liquidité dans le token OM
Bien que Jean Patrick Mullin ne considère pas cette méthode comme étant une manipulation du prix, le price action de l'OM était pour le moins particulier au cours des derniers mois :
Graphique représentant l'évolution du prix de la crypto OM, en données journalières
Alors même que le marché crypto était sujet à une importante volatilité (à la baisse), l'OM évoluait à son propre rythme, alternant entre longue phase latérale et courte mais importante hausse.
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Lorsque l'on s'intéresse de près à un projet, il peut être pertinent de s'intéresser à son équipe fondatrice et à ses réalisations passées. En creusant dans la carrière professionnelle de Jean Patrick Mullin, nous avons découvert des informations relativement troublantes.
Le mystérieux hack de Trade.io
Jean Patrick Mullin n'a pas commencé sa carrière en tant que fondateur de la Mantra Chain. Son premier emploi dans l'industrie crypto, en tant que « Directeur général de la recherche et du développement commercial » au sein de l'exchange Trade.io, s'est écourté brutalement à sa fermeture.
Ce dernier a subi une crise de confiance de la part de ses utilisateurs après un « hack » de 50 millions de TIO, la cryptomonnaie du protocole. En effet, la clé privée permettant d'accéder à ces fonds était détenue dans un coffre fort de banque et ce dernier n'aurait « pas été compromis », selon les déclarations de l'équipe de l'époque.
Jean Patrick Mullin, le PDG de Mantra
Peu de temps après ce vol, l'exchange a mis la clé sous la porte. Le mystère autour de cette histoire reste encore aujourd'hui entier, plus de 6 ans après les faits.
L'ancien PDG de Trade.io, James R. Preissler, travaille actuellement en tant que « Managing Partner & Board Member » chez Tritaurian Capital Incorporated, une information pertinente pour la suite de notre article.
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SOMA Finance : Une structure circulaire qui soulève des questions
L'analyse approfondie des documents déposés auprès de la Securities and Exchange Commission des États-Unis (SEC) et de la FINRA révèle un système d'une complexité troublante autour de SOMA Finance, une entreprise cofondée par Jean Patrick Mullin.
Cette entreprise, qui se présente comme un DEX régulé pour l'achat de titres (actions, obligations) sur la blockchain, semble en réalité n'être qu'un nœud dans une structure circulaire impliquant plusieurs entités interconnectées.
Les chiffres sont éloquents : fondée en octobre 2021, SOMA Finance a levé plus de 12 millions de dollars. Cependant, au 31 décembre 2024, la société affichait une perte nette cumulée de 11,7 millions de dollars, avec des revenus quasi inexistants (seulement 2 dollars en 2024, contre 484 en 2023). Pour une entreprise censée révolutionner la finance, ces performances interrogent.
Plus révélateur encore, le flux financier entre 3 entités étroitement liées : SOMA Finance, Tritaurian Capital et Mantra. SOMA a versé à Mantra plus de 5,7 millions de dollars entre 2022 et 2023 pour « développement technologique et marketing ». Parallèlement, SOMA a payé près de 620 000 dollars à Tritaurian pour des services de conformité et de conseil.
L'équipe de SOMA Finance, selon son site Web
La structure de propriété dévoile l'imbrication profonde de ces entités. William B. Heyn possède 100% des actions de SOMA tout en contrôlant également Tritaurian Holdings, la société mère de Tritaurian Capital. Dans ce système, SOMA « développe la technologie » mais dépend entièrement de Tritaurian pour les opérations réglementées, créant ainsi une dépendance opérationnelle mutuelle.
Un autre élément troublant : SOMA a accordé un prêt de 1,5 million de dollars à Tritaurian, dont 1 million a été remboursé à fin 2024. Dans ce montage financier, Tritaurian est actuellement le seul client utilisant la plateforme SOMA Finance. En d'autres termes, l'unique client de SOMA est une société possédée par le même propriétaire que SOMA.
Les dirigeants de ces entités semblent également tirer personnellement profit de ce système. Les documents révèlent que des sociétés privées appartenant aux dirigeants de SOMA ont reçu des paiements substantiels : 337 223 dollars en 2024 et 364 311 dollars en 2023 pour une société détenue par William B. Heyn, et 293 333 dollars en 2024 et 320 000 dollars en 2023 pour une société détenue par James R. Preissler, également associé à Tritaurian.
Cette configuration, où les fonds circulent entre des entités liées et leurs dirigeants sans génération de revenus substantiels ni produit pleinement fonctionnel, présente toutes les caractéristiques d'un système circulaire où l'argent des investisseurs semble principalement servir à financer les entités et individus qui ont créé et contrôlent SOMA.
Malgré ces signaux d'alerte et un déficit accumulé de 11,7 millions de dollars, SOMA continue en 2025 de solliciter des investissements, sans avoir démontré la viabilité de son modèle économique ni justifié l'utilisation des fonds précédemment levés.
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Que faut-il retenir ?
Bien qu'il y ait de nombreux red flags avec Mantra, peut-être que cet événement va marquer un tournant dans la direction du projet. En effet, Jean Patrick Mullin s'est engagé à « davantage de transparence » pour rétablir la confiance des investisseurs.
Il a également annoncé à plusieurs reprises sur X avoir l'intention de burn ses tokens OM, bien que ceux-ci ne soient théoriquement pas encore disponibles.
Par ailleurs, Jean Patrick Mullin doit intervenir cette semaine à la conférence TOKEN2049 où il abordera le futur du projet. Il entend également lancer un « appel à l'action pour que l'industrie crypto travaille ensemble pour protéger les investisseurs de ce genre d'événements de liquidation ».
Malgré les efforts de transparence et de communication du projet, le chemin reste long avant que le projet retrouve ses lettres de noblesse. En effet, la TVL de Mantra continue de s'effondrer en enregistrant la triste performance de - 49 % au cours des dernières 24 heures :
Graphique représentant l'évolution de la TVL de Mantra
Avant d'investir dans un projet et in fine sa cryptomonnaie, de rigoureuses vérifications doivent être effectuées au préalable. L'adage Do Your Own Research (DYOR) prend alors tout son sens, notamment quand des médias peuvent être impliqués financièrement dans un projet.
20 € offerts lors de votre inscription sur BitvavoCet article a été réalisé à l'appui des sources partagées par Wolf of Ballarò, fondateur du podcast CryptoPub, populaire en Italie.
Source : Documents de la SEC
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