MiCA : l'ébauche d'une régulation européenne pour les crypto-actifs

MiCa est une proposition de règlement de la Commission européenne pour le marché des crypto-actifs et leurs prestataires de services à l'échelle de l'Union européenne. Analysons ensemble ses dispositions phares.

MiCA : l'ébauche d'une régulation européenne pour les crypto-actifs

Une régulation disparate

Le droit, c'est souvent un peu l'escargot qui tente de rattraper le lièvre. Dans de nombreux domaines, le juridique est en effet régulièrement en retard face à une nouveauté. L'arrivée d'Internet a accéléré cet état de fait incontestable. Au moment où le régulateur légifère, la technologie a déjà repris un coup d'avance.

Cette lenteur est encore plus accentuée au niveau européen. Les désaccords entre États membres rendent quasi-impossible une adaptation du droit en temps réel. L'exemple typique est celui de la fiscalité, où l'Union européenne est capable d'accueillir aussi bien des paradis fiscaux de facto (Luxembourg, Irlande, Malte) et des États aux taux de prélèvements obligatoires proches des 50 % du PIB (France, Suède, Danemark).

L'univers des cryptomonnaies est encore un monde à part. La fiscalité va de 0 % (Allemagne) à 30 % (France), la majorité des États n'ayant même pas statué sur ce sujet ! C'est pour cela que l'arrivée du règlement MiCA est intéressante. Toutefois, restons réalistes : il ne s'agit que d'une proposition de règlement, un commencement de législation à l'échelle européenne.

Sans révolutionner le secteur, cette proposition de règlement a comme intérêt principal la prise en compte du secteur des crypto-actifs par la Commission européenne. Son apport principal - et pas forcément positif - est de donner un statut particulier aux stablecoins, ce qu'aucune autre régulation n'a fait à ce jour dans le monde. Voyons ensemble les dispositions importantes de la proposition de règlement européen MiCA.

MiCA, kézako ?

L'abréviation MiCA signifie Markets in crypto-assets, soit tout simplement « Marchés de crypto-actifs ». Initiée en 2019, la proposition de règlement a vu le jour le 24 septembre 2020. Elle est composée de deux documents distincts :

  • La proposition de règlement en elle-même (126 articles et 183 pages) ;
  • Les annexes de la proposition de règlement, et nous reviendrons sur certaines d'entre elles.

Il s'agit d'une proposition de règlement très détaillée, représentant plus d'une année de travail. Le sujet n'a donc pas été pris à la légère. L'objectif du règlement MiCA est clair, celui d'harmoniser les législations nationales en remplaçant ces dernières.

L'objectif est même assez louable, celui d' « instaurer un cadre européen qui permette à la fois la création de marchés de crypto-actifs, la tokénisation des actifs financiers traditionnels et un recours plus massif à la (blockchain) dans les services financiers ». En d'autres termes, la Commission européenne prend acte de l'existence des crypto-actifs et des jetons numériques. Il est donc nécessaire d'accompagner cet écosystème. Bien entendu, la nécessité de protéger les investisseurs lambda apparaît dès les premières lignes du règlement.

Néanmoins, l'objectif caché du règlement serait également de palier à la quasi-absence de projets européens liés aux crypto-actifs. En effet, l'Asie et les États-Unis concentrent presque l'ensemble du secteur des cryptomonnaies dans le monde. Quant aux projets européens, ils sont principalement établis en Suisse, dans le canton de Zoug… donc en dehors de l'Union européenne ! L'adoption de ce règlement permettrait ainsi à l'Union européenne de réguler un secteur d'activité qui lui a échappé (ce n'est malheureusement pas le seul). Si cet objectif est à soutenir, certaines dispositions vont clairement à son encontre.

Voyons ensemble les grandes lignes de la proposition de règlement MiCA.

Objectifs principaux du règlement MiCA

Le premier objectif du règlement MiCA a déjà été évoqué en introduction, c'est la sécurité juridique. Il est directement lié au second objectif, qui est de soutenir l'innovation. Ces deux objectifs seront présentés ensemble dans un paragraphe.

Le troisième objectif est la garantie d'une protection des consommateurs, autrement dit des investisseurs. Enfin, le quatrième objectif est officiellement la garantie de la stabilité financière. Toutefois, il s'intéresse tout particulièrement aux stablecoins, ce qui en fait l'objectif et l'apport le plus important du règlement MiCA.

La sécurité juridique du marché et le soutien de l'innovation : objectifs primaires du règlement MiCA

Le secteur des crypto-actifs continue de profiter des brèches offertes par le droit. Certaines applications se développent plus ou moins en dehors de tout cadre juridique (DeFi, NFT...). Le règlement MiCA permettrait ainsi de juridiquement sécuriser ces activités, mais aussi, soyons clairs, de les encadrer. Grâce au règlement, il n'y aurait également plus de législations nationales contradictoires, car il se substituerait aux lois nationales. En somme, tous logés à la même enseigne !

Le règlement met en avant le soutien de l'innovation comme corollaire de la sécurité juridique (et vice-versa). Dans un sens, on peut confirmer cette association. Par soutien de l'innovation, on entend généralement le financement. Or, sans sécurité juridique, point de financeurs... ou aucun contrôle quant à la moralité des financeurs. Toutefois, on peut opposer l'argument inverse. D'aucuns ont estimé qu'il fallait laisser faire et se développer le secteur de la blockchain en dehors de tout cadre juridique pour quelques années. Certes, on ne pourra pas éviter quelques erreurs ou arnaques, mais, pour certains, ce serait l'unique façon d'arriver à maturité avant, cette fois-ci, de réellement légiférer.

Ce deuxième argument a du sens lorsqu’on lit plus en détail le règlement. Il est notamment indiqué que l'objectif est de ne pas entraver l'utilisation de la DLT (Distributed Ledger Technology, le nom de la blockchain en droit européen), car certaines dispositions actuelles empêcheraient les innovations utilisant ladite DLT. À première vue, l'objectif est intéressant et ambitieux, car il permettrait de supprimer des dispositions qui sont des freins à l'innovation. Ces dispositions sont principalement celles de la directive MiFID II concernant les marchés d'instruments financiers, qui n'avait pas prévu l'arrivée sur le marché des crypto-actifs. Or, y rattacher ces derniers serait très problématique, car cela les empêcherait tout bonnement de fonctionner. Néanmoins, cette bonne volonté est vite temporisée.

En premier lieu, la sacro-sainte concurrence loyale est érigée en étendard. Encore une fois, l'Union européenne ne prend pas la mesure de la concurrence mondiale et reste figée sur la concurrence intracommunautaire. L'objectif n'est pas de se concurrencer entre Européens, mais plutôt de créer des géants européens face aux Américains et Asiatiques. Pensez aux plateformes d'échange et vous verrez que celles basées en Europe sont larguées. Il faudrait donc déroger aux règles de concurrence européenne pour s'adapter à ce marché mondial.

Ensuite, la Commission européenne part du postulat qu'il y a un manque de confiance envers le secteur des crypto-actifs et de la blockchain, ce qui bloque en partie l'innovation. En instaurant un cadre juridique, et donc une sécurité, cela permettrait ainsi de résoudre ce manque de confiance. Au premier abord, on pourrait penser que c'est vrai. En France, il existe encore des banques qui empêchent leur client d'aller sur les plateformes d'échange ! Sauf que… c'est en partie un mal français. Dans d'autres pays de l'Union européenne, il n'y a pas de problème de confiance envers les cryptomonnaies. Aux États-Unis, c'est la ruée des institutionnels vers le bitcoin depuis la fin 2020. Ce règlement viendrait-il régler un problème de confiance des technocrates européens et des frileuses banques du continent ? Cet argument n'a de sens que du côté des antis-crypto.

Le seul à convaincre, c'est l'investisseur particulier !

Protéger l'investisseur consommateur, la bonne approche du règlement MiCA

Il ne faut pas se mentir : le secteur des cryptomonnaies fonctionne un peu comme le Far West. Sans régulation, on y fait un peu ce que l'on veut. On peut tomber sur des plateformes et projets bidons, perdre toutes nos économies et pleurer les jours suivants. Cela est dû à l'absence de couverture juridique des marchés de crypto-actifs. Si les marchés d'actions et d'obligations sont également risqués, on sait qu'ils sont fortement encadrés et que de tomber sur une arnaque est bien plus rare.

En résumé, ce règlement pointe du doigt un véritable problème auquel il faut faire face. Protéger l'investisseur consommateur est essentiel, c'est même primordial ! Un cadre légal européen permettrait alors de le rassurer s'il en avait besoin et réduirait fortement les arnaques.

Aussi le marché des crypto-actifs serait placé au même niveau que les autres services financiers, ce qui serait une incontestable bonne nouvelle et la reconnaissance du secteur au niveau européen.

Un bon exemple se trouve en annexe qui se permet de légiférer sur le whitepaper, obligatoire dès que certains seuils sont franchis. Tout en laissant une certaine liberté d'écriture, elle exige que certaines informations obligatoires figurent et qu'elles soient disponibles à tout moment pour quiconque souhaitant investir. C'est une approche très intéressante pouvant réduire à néant ou presque les exit scams.

Un encadrement particulier et durci des stablecoins et certains tokens décentralisés, la grande nouveauté du règlement MiCA

Les rédacteurs de la proposition de règlement ont bien étudié le secteur ! En mettant l'encadrement des stablecoins comme l'un des objectifs principaux, la Commission européenne prend la mesure de leur particularité.

Pudiquement appelés en français comme « jetons se référant à un ou des actifs » (asset-reference tokens si adossés à plusieurs monnaies fiat, e-money tokens si adossés à une seule monnaie fiat), on va vite mettre fin au suspense. En résumé, le législateur européen ne les aime pas trop. Pour ceux qui suivent les déclarations de Christine Lagarde, rien d'étonnant à cela…

À la lecture du règlement, le ton est donné dans la page 4 : « La présente proposition prévoit des garanties afin de répondre aux risques potentiels pour la stabilité financière et pour la conduite d’une politique monétaire ordonnée qui pourraient résulter des stablecoins ». Plus loin dans le texte, la Commission parle de crainte. En d'autres termes, il ne faut surtout pas qu'un stablecoin fasse de l'ombre à l'euro et, plus généralement, au système financier tel qu'on le connaît. On va donc lui infliger des contraintes supplémentaires !

Sans entrer dans le détail des mesures proposées, sachez que les stablecoins ont l'honneur d'avoir deux titres qui leur sont consacrés, le titre III (jetons se référant à des actifs) et IV (jetons de monnaie électronique). En résumé, les exigences de capital social, du contrôle des investisseurs et l'obligation d'une supervision de l'EBA (European Bank Authority, l'Autorité bancaire européenne dont le siège est à Paris) font partie des obligations liées à l'émission de stablecoins.

La principale information, c'est la nécessité d'obtenir un agrément avant de pouvoir proposer la négociation de stablecoins (article 15). A ce jour, le règlement n'oblige pas une plateforme ne propose pas de stablecoins à obtenir cet agrément. Mais quelle plateforme n'en propose pas aujoutd'hui ? Et il y a de fortes chances que le règlement soit amendé jusqu'à son entrée en vigueur. Cela étendrait donc l'agrément PSAN au territoire de l'Union européenne. La France fut donc visionnaire...

En résumé, les stablecoins décentralisées, notamment utilisées dans la DeFi, ainsi que les jetons distribuant des intérêts (notamment staking), pourraient se voir interdits au sein de l'Union européenne sans l'obtention de cet agrément. Plus généralement, c'est aussi le cas des blockchains publiques. Tout ce qui est décentralisé n'est pas bon aux yeux du régulateur européen.

Pour ceux qui veulent aller plus loin, jetez un œil au titre III et l'annexe 2, vous trouverez plus de détails.

La fiscalité, la grande absente du règlement MiCA

Ceux qui suivent l'actualité et la réglementation européenne le savent. Il n'y a aucune harmonisation fiscale en Europe. La fiscalité reste en effet du ressort des États membres. La gestion tragi-comique de la taxe sur les services numériques (dite taxe GAFA), qui plaît à la France, mais pas à l'Irlande, montre les différences abyssales de points de vue sur ce sujet sensible.

Le règlement MiCA laisse donc la fiscalité de côté, au grand dam des investisseurs français.

Conclusion

Le règlement MiCA présente l'intérêt d'harmoniser à l'échelle européenne le secteur des crypto-actifs. S'il y a de bonnes choses (protection de l'investisseur, règles permettant de circonscrire les arnaques), d'autres ne vont pas dans le bon sens (aucune volonté de créer un géant européen, mais volonté de protéger le monde de la finance face aux stablecoins).

Ce règlement sera-t-il adopté en l'état ou subira-t-il des modifications au préalable ? À suivre…

👉 Retrouvez tous nos articles sur le sujet de la régulation des cryptomonnaies

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Zouz

Bonjour,

Pallier est un verbe transitif qui n'a pas besoin de préposition et qui prend 2 " l ".

Néanmoins, l'objectif caché du règlement serait également de PALIER la quasi-absence de projets européens liés aux crypto-actifs.

Très cordialement.

https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/expressions-francaises/2017/04/01/37003-20170401ARTFIG00005-pallier-ou-pallier-a-ne-faites-plus-la-faute.php

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