Qui est Justin Sun, le milliardaire crypto le plus détesté ?

La jeunesse de Justin Sun : de la Chine aux États-Unis

Justin Sun est né sous le nom de Sūn Yǔchén en 1990, à Xining, en Chine. Sa famille est chinoise et il a grandi dans la province du Guangdong. On connaît peu de choses sur sa jeunesse et les informations dont on dispose sont parfois contradictoires, mais il est admis qu'il a très tôt manifesté un intérêt prononcé pour l'informatique et pour l'entrepreneuriat, avec une ambition assumée et un sens aigu de la mise en scène publique.

Il parvient à intégrer l'université de Pékin, où il obtient un Bachelor of Arts avec une option en histoire, avant de s'installer aux États-Unis pour suivre un master à l'université de Pennsylvanie, consacré aux études économiques et politiques avec un focus sur l'Asie orientale.

Ces jalons académiques, souvent mis en avant par l'intéressé, structurent le début d'un parcours international qui l'amènera ensuite à circuler entre la Chine et les États-Unis.

Lancement de Peiwo et découverte des cryptomonnaies

C'est pendant ses études américaines que Justin Sun découvre les cryptomonnaies et commence à investir, notamment dans le Bitcoin (BTC), tout en se projetant déjà dans l'univers de l'innovation grand public.

De retour en Chine, il rejoint fin 2013 Ripple Labs en qualité de représentant et conseiller pour la région, un rôle qui l'expose aux problématiques d'infrastructure de paiement transfrontalier tout en renforçant son réseau dans l'écosystème naissant de la crypto.

Dans le même temps, il lance sa propre application mobile, Peiwo, un réseau social audio conçu pour connecter des utilisateurs aux centres d'intérêt similaires. L'application connaît un essor rapide, revendiquant jusqu'à 10 millions d'utilisateurs à son pic, mais elle est critiquée pour des salons audio au contenu jugé explicite et finit par disparaître des stores chinois autour de 2019 dans le sillage d'un encadrement plus strict des contenus en ligne.

Cette séquence pose déjà les deux faces du personnage : un sens réel du produit grand public et une communication agressive, parfois rattrapée par la régulation.

Peiwo sert aussi de tremplin académique et relationnel : Sun rejoint Hupan University, l'école d'entrepreneuriat fondée par Jack Ma, dont il obtient le diplôme en 2018 avec une thèse sur « la naissance d'un Internet décentralisé ». Il cultive alors la comparaison avec le fondateur d'Alibaba, se présentant volontiers comme un de ses protégés, ce qui contribue à son image de jeune prodige de la tech chinoise.

Création de la blockchain Tron (TRX)

Justin Sun lance la blockchain Tron et la crypto TRX en 2017, au moment où les levées de fonds par ICO sont en plein essor. L'ICO de Tron, organisée fin août / début septembre 2017, lève environ 70 millions de dollars, mais intervient à la veille de l'interdiction des ICO par les autorités chinoises, ce qui précipite le départ du fondateur vers les États-Unis et donne le ton d'un parcours souvent à la limite des lignes rouges réglementaires.

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Les débuts sont aussi marqués par une controverse sur le whitepaper de Tron, accusé d'emprunter des passages à d'autres projets, notamment IPFS et Filecoin, sans attribution adéquate. Sun attribue d'abord les ressemblances à une mauvaise traduction du chinois vers l'anglais, mais l'épisode installe durablement l'idée d'un projet prompt à s'inspirer de ses pairs.

À partir de 2018, Sun multiplie les opérations de croissance externe et de diversification. Il rachète BitTorrent Inc. (devenu Rainberry) pour environ 140 millions de dollars et y associe plus tard le token BTT, marquant sa volonté d'adosser l'écosystème Tron à un logiciel P2P mondialement connu.

En 2019, Poloniex, exchange fondé en 2014 et alors détenu par Circle, est cédé à Polo Digital Assets, un consortium d'investisseurs soutenu par Justin Sun. Ce dernier finit d'ailleurs par reconnaître publiquement son rôle dans la reprise et s'affiche ensuite comme figure centrale de l'exchange, que l'on retrouvera plus tard étroitement lié aux initiatives de Tron.

Un goût certain pour la communication outrancière

La communication de Justin Sun alterne coups d'éclat et retro-pédalages. En 2019, il paie 4,57 millions de dollars pour un déjeuner caritatif avec Warren Buffett, annule l'événement dans un premier temps, puis dîne finalement avec l'investisseur à Omaha en janvier 2020, assumant a posteriori une médiatisation excessive.

Ces épisodes, souvent amplifiés sur les réseaux sociaux, alimentent une notoriété qui déborde la seule communauté crypto. Plus récemment, Sun a commandé à Hans Zimmer une œuvre orchestrale présentée comme un hymne pour la communauté Tron, symbole de son goût pour les gestes spectaculaires.

En 2021, il devient ambassadeur de Grenade auprès de l'OMC à Genève, adoptant sur X le titre « Son Excellence », avant d'annoncer la fin de son mandat le 31 mars 2023.

En 2025, il refait parler de lui en participant à un dîner privé avec le président Donald Trump en tant que principal détenteur du token $TRUMP, assumant sa proximité avec l'univers des memecoins et des projets politiques pro-crypto. Dans la foulée, il annonce un investissement substantiel dans World Liberty Financial (WLFI), mais voit ses tokens WLFI gelés début septembre 2025, déclenchant une controverse publique sur la gouvernance et la transparence du projet.

La posture de Sun tient autant à l'art de capter l'attention qu'à sa capacité à se positionner sur les tendances : stablecoin USDD après la chute de l'UST de Terra, DeFi à fort rendement, puis vague memecoin avec le lancement de « SunPump » à l'été 2024, un générateur de tokens présenté comme l'alternative de Tron à Pump.fun et soutenu par un programme d'incitation de 10 millions de dollars. Ces initiatives, qui recherchent systématiquement l'effet de réseau, illustrent sa manière de tester rapidement de nouveaux formats avant d'industrialiser ce qui prend.

Autre élément marquant de 2025, plus anecdotique mais révélateur de son sens du symbole : Sun affirme avoir acheté l'œuvre « Comedian » – la célèbre banane scotchée au mur de Maurizio Cattelan – pour 6,2 millions de dollars, avant de la manger en public lors d'un événement.

Enfin, après avoir remporté en 2021 l'enchère pour un vol Blue Origin à 28 millions de dollars, Sun a effectivement volé en août 2025 sur New Shepard, capitalisant là encore sur un storytelling d'exploration et de « première crypto dans l'espace ».

HTX (ex-Huobi) et Justin Sun, une relation floue

Après la chute de la plateforme FTX à l'automne 2022, Huobi est rachetée par About Capital Management. Officiellement, Sun n'en est pas le propriétaire, mais de multiples indices laissent penser qu'il a joué un rôle déterminant dans l'opération et dans la conduite de la plateforme par la suite.

En septembre 2023, Huobi devient « HTX » et assume une synergie avec l'écosystème Tron et même Poloniex : « H » pour Huobi, « T » pour Tron, « X » pour exchange, avec un slogan qui fera parler, « Just trade it ».

Sun, présenté comme membre du Global Advisory Board d'HTX, entretient depuis un flou soigneusement entretenu sur la nature exacte de sa participation, tout en défendant publiquement la plateforme lors des épisodes de tension (rumeurs d'insolvabilité, sécurité, retraits).

Cette porosité entre Tron, HTX et Poloniex contribue à la puissance de distribution de Tron pour les stablecoins – en particulier l'USDT – mais nourrit aussi les interrogations sur la gouvernance et les risques de centralisation.

Les « emprunts » de Justin Sun

Les controverses liées aux « emprunts » jalonnent la trajectoire de Justin Sun. L'affaire du whitepaper de Tron, accusé de recopier des pans d'IPFS et de Filecoin, a installé un doute persistant sur l'originalité de certaines briques techniques, malgré les explications initiales de Sun évoquant des problèmes de traduction.

Dans la même veine, plusieurs initiatives de l'écosystème Tron ont été perçues comme des variations de modèles existants : le stablecoin algorithmique USDD, lancé en 2022, a affronté des épisodes de dépeg dans un contexte de marché tendu, tandis que Djed – un protocole de stablecoin sur Tron – a été souvent comparé à l'approche de MakerDAO (aujourd'hui Sky).

Plus récemment, SunPump a été explicitement présenté comme un équivalent sur Tron de la plateforme Pump.fun popularisée sur Solana, avec un habillage « sécurité » et des audits afin de rassurer face aux risques de rug pulls. Ces choix montrent une capacité d'exécution rapide et un sens aigu du timing, mais alimentent la critique d'un entrepreneuriat davantage itératif que pionnier.

La fortune de Justin Sun : un milliardaire des cryptomonnaies

Évaluer la fortune exacte de Justin Sun reste difficile, tant ses déclarations publiques et les estimations externes divergent.

Les analyses on-chain de 2023 l'avaient identifié comme le plus grand staker individuel d'ETH avec une position passant par Lido évaluée alors entre 440 et 500 millions de dollars.

En 2024-2025, des tableaux de bord d'Arkham ont pointé des avoirs à dix chiffres, parfois cités autour de 1,3 à 1,6 milliard de dollars en cryptos, des chiffres susceptibles de varier fortement au gré de l'évolution du marché.

Ces éléments, additionnés à ses positions dans HTX et Poloniex ainsi qu'aux revenus générés par l'activité de l'écosystème Tron, confortent l'image d'un milliardaire des cryptos, à la fortune toutefois volatile.

Justin Sun : un entrepreneur touche-à-tout ou un roi de la com' ?

Justin Sun a bâti, par itérations rapides et acquisitions ciblées, un écosystème capable d'absorber les tendances du marché crypto et de les porter à grande échelle.

Personnage clivant, il alterne annonces tonitruantes et exécutions plus mesurées, mobilise des réseaux d'exchanges et de plateformes qui rendent la blockchain Tron incontournable sur le segment des stablecoins, et n'hésite pas à occuper l'espace médiatique avec des gestes spectaculaires.

La vérité est sans doute entre les deux portraits qui lui sont faits : celle d'un entrepreneur opportuniste, maîtrisant les codes de l'attention et de la distribution, et celle d'un constructeur qui a su, malgré les controverses, imposer Tron comme une blockchain de premier plan.

Reste la question de la durabilité : l'exposition aux risques réglementaires, la gouvernance des plateformes liées et les choix techniques empruntés ou inspirés par d'autres projets continueront de conditionner la perception de sa trajectoire.

Mais à l'heure où Tron canalise une part considérable des flux de stablecoins et où l'écosystème multiplie les cas d'usage à bas coût, l'empreinte de Justin Sun sur la crypto reste, quoi qu'on en pense, difficile à ignorer.

Sources : The Verge, Blockchain Reporter, Arkham Intelligence

Journaliste chez Cryptoast depuis 2017, je suis passionnée par les enjeux de décentralisation, de vie privée et de régulation. Je me suis spécialisée dans l'économie et la finance traditionnelle en analysant comment les actualités de ce secteur influencent celui des cryptomonnaies, offrant ainsi une perspective unique et éclairée aux lecteurs de Cryptoast.

Marine Debelloir

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