Aragon Court, la fausse bonne idée d’un tribunal décentralisé
Aragon Court propose une solution blockchain pour résoudre des « litiges subjectifs » sans passer par le système juridique classique. L’initiative pose question sur l’impartialité d’un système basé sur la crypto-monnaie.
Aragon Court, un tribunal décentralisé
Nous vous avions déjà parlé d’Aragon dans notre top des cryptos à surveiller en 2020. L’initiative se propose d’organiser des groupes et de collaborer sans intermédiaires, grâce à la création d’organisations décentralisées autonomes (DAO). Le projet va encore plus loin avec Aragon Court, un système de tribunal décentralisé qui sortira en février. Les outils proposés par Aragon permettaient déjà de résoudre certains conflits de manière automatique, mais ce nouveau projet permettra de résoudre « les litiges subjectifs qui nécessitent le jugement de jurés humains ».
Alors comment Aragon Court sélectionne-t-il ses jurés ? En utilisant une crypto-monnaie : l’Aragon Network Juror (ANJ). N’importe qui peut postuler pour devenir juré. Pour cela il lui suffira de staker un nombre suffisant d’ANJ, soit 10 000 tokens. Les jurés ayant staké des ANJ sont mis sur une liste et peuvent être appelés à rendre une décision pour un litige, ils gagnent ainsi des récompenses. Détail d’importance : plus on stake de l’ANJ, plus la probabilité d’être appelé augmente.
Les récompenses sont quant à elles sont conditionnées au résultat. Une fois la décision de justice rendue, les jurés qui ont pris la décision minoritaire perdent les tokens qu’ils avaient stakés. Ceux qui ont pris la décision majoritaire, qui a prévalu pour la résolution du litige, reçoivent ces tokens, en plus d’autres récompenses.
Monnayer la justice, une fausse bonne idée ?
D’emblée, on peut voir plusieurs limitations à ce système. D’une part, il fait de la justice une affaire pécuniaire. C’est-à-dire que les jurés ne sont pas uniquement motivés par le désir de rendre justice, mais par celui de gagner des récompenses en monnaies numériques. On a déjà vu mieux en termes d’impartialité. De plus, ceux qui possèdent le plus de tokens sont ceux qui seront appelés le plus souvent. Ce que cela veut dire, c’est que seules les personnes les plus fortunées pourront peser dans la balance, ce qui met également en question l’impartialité de la méthode.
D’autre part, un mécanisme semble poser un problème encore plus important. Puisque seules les personnes ayant fait le choix majoritaire sont récompensées, cela incite les jurés à faire le choix le plus consensuel afin d’être sûrs de recevoir les récompenses, et pas nécessairement le choix qu’ils estiment le plus juste. Encore une fois, tout cela base la décision sur une considération pécuniaire.
Avec toutes ces limitations, on peut donc douter que le système proposé par Aragon Court puisse avoir un poids suffisant pour être reconnu comme un organe de justice légitime. Et il pose une question plus large : est-il éthique d’ajouter un aspect financier au processus de justice, qui se doit d’être détaché de ce type de motivations ? Affaire à suivre en février...
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