Chaos Machine, brûlez des billets pour de la musique
Le concept peut sembler un tantinet saugrenu voir illégal, mais voici la Chaos Machine, un juke-box crypto qui permet de choisir la musique en détruisant des billets de banque.
The Distributed Gallery
À l'origine de ce projet artistique, nous retrouvons le collectif de penseurs et bricoleurs engagés The Distributed Gallery. Encré dans son temps, le collectif présente une approche critique des marchés de l'art et du monde artistique. Leurs œuvres mettent en avant des initiatives collectives anonymes en opposition au diktat de la sacralisation des œuvres par la signature.
Chacune de leurs œuvres allie art et technologie. Nous pouvons citer "L'arbre à voeux" parmi les projets récent. Cet arbre de LED permet aux citoyens de Nantes déposer des vœux sur une tablette et voir l'arbre s'illuminer.
La Chaos Machine
La Chaos Machine est l'oeuvre qui va nous intéresser. Cette initiative allie musique et cryptomonnaie. Présentée sous la forme d'un juke-box, la machine permet de jouer une musique aléatoire en échange d'un billet de banque.
La spécificité se trouve dans le sort réservé au billet de banque. Une fois inséré, celui-ci va tomber sur une grille de résistance chauffante et être incinéré au contact de celle-ci.
Une fois le billet détruit, la machine imprime un QRCode qui donne la possibilité à l'utilisateur d'ajouter une musique de son choix à la playlist de la machine.
La machine sera accessible au public lors de la Foire Internationale d'Art Contemporain de Paris. En plus de celle-là, une autre machine est exposée en à Berlin dans le bar Bitcoin Room77. Lorsqu'une des deux machines est utilisée, les deux vont jouer la même musique de manière simultanée.
Si vous passez devant lors de la FIAC à Paris et que celle-ci joue de la musique sans que vous ne voyiez de billet brûler, c'est que quelqu'un en Allemagne a utilisé la seconde machine.
Chaos Machine will be exhibited and auctioned during the @FIAC in Paris from 19 to 20 oct ! If you want to turn your euros into crypto-currencies while listening some songs this is the opportunity ! 🔥 https://t.co/WNGT86iMEx
— DistributedGallery (@DistribGallery) October 14, 2019
Le ChaosCoin
Vous vous demandez probablement le lien entre cette machine et les cryptomonnaies et la réponse est : le ChaosCoin.
Cet ERC-20 opérant sur le réseau Ethereum est l'unité de valeur en échange de laquelle il est possible d'ajouter une musique à la playlist de la machine.
La machine va déclencher l'émission d'un ChaosCoin à chaque fois qu'un billet est inséré et brûlé. Elle va ensuite imprimer un QRCode permettant de dépenser le ChaosCoin.
Une fois le QRCode en votre possession, il est possible de l'utiliser et d'ajouter une musique à la playlist en le scannant sur le site de la galerie.
Cryptosphère oblige, les musiques elles aussi sont stockées de manière décentralisée en utilisant le protocole pair-à-pair de distribution de contenu IPFS (InterPlanetary File System).
Sentir plutôt que comprendre
Nous avons contacté Distributed Gallery afin d'échanger avec eux sur la Chaos Machine et mieux comprendre la démarche et la volonté du projet.
Cette machine est le fruit d'une démarche artistique ayant un but pédagogique, comme nous l'a expliqué Alexandre Rouxel de Distributed Gallery:
Art, philosophie et crypto
Comme toute oeuvre la Chaos Machine peut avoir plusieurs lectures et interprétations. Le philosophe français, Bernard Aspe a publié sa compréhension de l'oeuvre dans un essai intitulé "L'ange exterminateur".
Alexandre Rouxel nous a exprimé sa surprise à la lecture du texte :
« Nous avions été très surpris à la lecture du texte de Bernard. [...] Ce qui nous a beaucoup plu dans ce texte c’est notamment le passage ou Bernard dit que la machine « montre le rien », le rien qui est l’origine de nos interactions sociales. » , Rouxel Alexandre.
Ce "rien" peut également se retrouver dans la destruction du billet de banque, représentant d'une valeur, mais dont l'enveloppe physique n'en a aucune.
Bernard Aspe décrit également dans son texte le rapport entre la monnaie et le pouvoir. La Chaos Machine détruit des billets de banque, cependant ce geste est interdit par la loi pour les citoyens, dépeignant du pouvoir monétaire détenu par les états. Un passage qui a particulièrement plu aux membres de la Decentralized Gallery selon Alexandre Rouxel :
« Nous avons aussi beaucoup aimé la distinction qu’il fait sur la notion de pouvoir. Le pouvoir comme « autorité » et le pouvoir comme « capacité », nous nous situons du côté de la capacité ce qui est beau. Tout comme Satoshi n’avait pas « l’autorité », il n’a pas eu besoin d’autorisation pour agir, personne ne lui a accordé le droit créer BTC, il a simplement déployé la « capacité » de le faire. »
Si vous souhaitez voir cette machine de vos propres yeux et ajouter votre musique préférée à la playlist décentralisée, il faudra se rendre à la Foire Internationale d'Art Contemporain de Paris ce week-end (les 19 et 20 octobre).