Comment les PSAN luttent-ils contre la fraude et le blanchiment d’argent dans les cryptomonnaies ?
Les régulateurs français et européens ont renforcé les règles imposées aux prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme via les cryptomonnaies. Ainsi, en plus de surveiller les transactions en monnaies traditionnelles, ces acteurs doivent désormais suivre de près les flux crypto grâce aux Outils d'Analyse Transactionnelle (OAT) : de quoi s'agit-il et comment fonctionnent-ils ?
Cette tribune a été rédigée par le cabinet de mise en conformité RegSharp.
Quels outils pour une régulation des cryptomonnaies à l'échelle européenne ?
Alors que les cryptomonnaies ont connu une croissance fulgurante ces 10 dernières années, la régulation et la lutte contre les activités illégales comme le blanchiment d’argent sont devenues des priorités pour les gouvernements et les régulateurs.
En France, comme dans toute l’Europe, les régulateurs ont imposé aux PSAN (prestataires de services sur actifs numériques - qui deviendront très prochainement des prestataires de services sur crytpo-actifs, aussi appelés les PSCA) des mesures strictes afin de garantir la conformité des plateformes d’échanges avec les règles de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT). L’objectif est de protéger l'intégrité des marchés financiers et de limiter l’utilisation des cryptomonnaies à des fins criminelles.
Les PSAN actuels, qui opèrent dans un cadre réglementaire encore en construction, se retrouvent à la croisée des chemins entre innovation technologique et exigences légales. En plus de la surveillance des flux en monnaies fiduciaires (fiat), ces acteurs doivent aujourd’hui surveiller les transactions en cryptomonnaies sur les blockchains.
Pour remplir ces obligations, les PSAN font de plus en plus appel à des outils d’analyse transactionnelle (OAT), qui sont devenus indispensables pour garantir la transparence et la traçabilité des échanges.
Dans cet article, nous reviendrons sur l’évolution des régulations entourant les PSAN en France et en Europe, avant de détailler l’apport des OAT dans le respect des règles de LCB-FT.
Un cadre pour les entreprises opérant dans le secteur crypto en France et en Europe
L’encadrement des actifs numériques en France a débuté en 2019 avec l’introduction des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) dans la législation nationale via la loi PACTE.
À cette époque, les PSCA devaient s'enregistrer auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour pouvoir opérer en toute légalité, tout en respectant les obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (LCB-FT). Cela impliquait notamment de vérifier l’identité de leurs clients, de surveiller les transactions, et de signaler toute activité suspecte aux autorités compétentes.
Cependant, avec la mise en application imminente du règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), le cadre réglementaire évolue. Désormais, les PSAN devront obtenir l'agrément de PSCA et passeporter leur activité dans l'UE en conformité avec la nouvelle législation européenne. Néanmoins, les PSAN français pourront toujours bénéficier de leur statut PSAN jusqu'en 2026 (grâce à la clause de grand-père), jusqu'à l'obtention du statut de PSCA via l'agrément.
Les statuts de PSAN et de PSCA vont donc cohabiter pendant quelques temps mais désignent les mêmes acteurs.
Cet agrément impose des exigences encore plus strictes en matière de transparence et de surveillance des flux financiers que l'enregistrement jusqu'ici requis, renforçant ainsi le rôle des PSCA dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Avant cela, à l’échelle européenne, l’encadrement des PSAN s’est d’abord accéléré avec la cinquième directive anti-blanchiment (AMLD5), qui impose aux États membres de l'Union européenne d’intégrer les prestataires de services sur actifs numériques dans leur dispositif de lutte contre le blanchiment.
Ce cadre précurseur a permis de poser les bases de la régulation dans le secteur des actifs numériques. La réglementation MiCA, prévue pour entrer en application totale en décembre 2024, vient compléter cette approche en instaurant un cadre juridique harmonisé à l’échelle européenne, avec des règles spécifiques visant à garantir la transparence et la sécurité des transactions en crypto-actifs.
Un aspect fondamental de la régulation réside dans la refonte d'un autre texte, le TFR (règlement sur les transferts de fonds) dont le champ d'application est étendu aux transferts de crypto-actifs.
Il s'agit de la Travel Rule, qui impose aux PSCA de transmettre certaines informations sur les transactions effectuées par leurs clients, dans un souci de transparence similaire à celui des transactions en monnaies fiat. Cette mesure vise à améliorer la traçabilité des fonds, et à rendre plus difficile le financement d’activités illicites via les cryptomonnaies.
Toutefois, malgré ces avancées, les PSCA doivent composer avec les défis technologiques propres aux cryptomonnaies. Contrairement aux flux en fiat, pour lesquels la traçabilité est déjà bien établie dans les systèmes bancaires traditionnels, les flux en crypto-actifs sont plus complexes à analyser. C’est pourquoi des outils spécialisés, comme les OAT, se sont rapidement imposés comme des solutions incontournables pour assurer une surveillance efficace.
Surveillance des flux fiat-fiat et crypto : les enjeux spécifiques pour les PSAN/PSCA
Alors que les acteurs financiers traditionnels sont habitués à la surveillance des flux en monnaies fiduciaires (fiat-fiat), les PSCA font face à une double mission. Ils doivent non seulement surveiller les transactions en euros, dollars, ou autres devises traditionnelles, mais également celles effectuées en cryptomonnaies. Cela ajoute une couche de complexité dans la LCB-FT, en raison de la nature même des transactions en actifs numériques, souvent perçues comme anonymes ou pseudonymes.
En effet, les transactions en cryptomonnaies sont enregistrées sur des blockchains publiques, mais leur analyse nécessite des outils spécialisés pour remonter aux utilisateurs réels derrière ces flux. Contrairement aux flux fiat, pour lesquels les institutions financières traditionnelles ont développé des systèmes de contrôle au fur et à mesure des dernières décennies, les flux en cryptomonnaies requièrent une approche plus technique, impliquant l’analyse des blockchains et des portefeuilles numériques.
Cette surveillance renforcée implique que les PSCA doivent être capables d’identifier les comportements suspects sur 2 fronts : les transactions en fiat-fiat, bien sûr, mais également les transactions en cryptomonnaies.
C’est ici qu’interviennent les Outils d’Analyse Transactionnelle (OAT), des logiciels conçus pour assurer la traçabilité des actifs numériques. Grâce à ces outils, les PSCA peuvent analyser les flux, détecter les anomalies, et s’assurer qu’ils respectent les obligations réglementaires, tout en participant activement à la lutte contre la fraude.
Les OAT : outils indispensables pour répondre aux obligations LCB-FT
Le rôle des Outils d’Analyse Transactionnelle (OAT) dans la lutte contre le blanchiment d’argent est désormais incontournable pour les PSCA. Ces outils permettent de surveiller et d’analyser les transactions en cryptomonnaies, offrant ainsi une vue détaillée des flux de fonds entre les adresses des utilisateurs.
Alors qu’est-ce qu’un OAT exactement et pourquoi est-il si crucial pour les acteurs du secteur des actifs numériques ?
Un OAT est un logiciel qui croise les données disponibles sur les blockchains publiques (on-chain) avec des sources externes (off-chain) pour fournir des informations clés sur les transactions. Son but est d’identifier les comportements suspects, de tracer les mouvements de fonds, et de faciliter la surveillance des flux de cryptomonnaies, de la même manière que les systèmes financiers traditionnels surveillent les transactions en fiat.
Fonctionnalités des OAT
Les OAT offrent un ensemble de fonctionnalités essentielles aux PSCA dans le cadre de leurs obligations LCB-FT. Parmi les plus importantes :
- Surveillance des transactions (Know-Your-Transaction) : les OAT permettent de filtrer et d’analyser les transactions pour détecter des activités suspectes, telles que des transferts inhabituels ou des volumes de transactions anormalement élevés. Grâce à des algorithmes sophistiqués, ces outils attribuent un score de risque aux transactions, facilitant ainsi la détection des anomalies ;
- Suivi des portefeuilles (Know-Your-Wallet) : ces outils permettent d'analyser les portefeuilles de cryptomonnaies pour identifier les liens potentiels avec des activités illicites telles que le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme. En attribuant un profil de risque à chaque portefeuille, les OAT aident les PSCA à déterminer si une transaction est légitime ou non ;
- Visualisation des flux : l'une des fonctionnalités les plus utiles des OAT est la visualisation des flux entre les portefeuilles. Ces graphiques permettent aux analystes de mieux comprendre la provenance et la destination des fonds, rendant les investigations plus efficaces et facilitant la prise de décision rapide. À de correctement paramétrer l'outil, notamment le nombre de rebonds pour affiner l'analyse. Le régulateur demande une justification du paramétrage de l'OAT ;
- Gestion des transactions cross-chain : un des enjeux émergents dans la lutte contre le blanchiment dans le domaine des cryptomonnaies est la gestion des transactions sur plusieurs blockchains, également appelées « cross-chain ». Les criminels exploitent souvent ces mouvements pour masquer la traçabilité des fonds, rendant les enquêtes plus complexes. Certains OAT, dotés d'une technologie multi-assets, offrent alors des solutions pour identifier ces mouvements et faciliter la surveillance des fonds, même lorsqu’ils sont transférés d’une blockchain à une autre, grâce à une approche holistique.
Un marché en pleine expansion
Avec l'évolution rapide des régulations (MiCA, Travel Rule), le marché des OAT connaît une croissance exponentielle. Plusieurs éditeurs historiques dominent ce marché, ayant su développer des outils sophistiqués et enrichir leurs bases de données au fil du temps. Cette domination crée une barrière à l’entrée pour les nouveaux acteurs, car la qualité et la richesse des données sont des éléments cruciaux dans l’efficacité des OAT.
Les solutions proposées par les OAT ne cessent de s'améliorer, notamment grâce à l’intégration de technologies avancées comme l’intelligence artificielle et le machine learning, qui permettent de détecter plus rapidement et avec plus de précision les activités suspectes.
L'analyse humaine n'est pas à négliger, puisque certains éditeurs d'OAT déploient d'importants efforts de recherche manuelle pour affiner la qualité de leur données off-chain : leurs experts (crypto intelligence analysts, data analysts...) pourront par exemple intégrer des groupes de discussion Telegram associés à des organisations criminelles.
Limites des OAT
Toutefois, malgré leurs avantages, les OAT ne sont pas sans limites. L’un des défis majeurs reste l’application de la Travel Rule, une exigence réglementaire qui demande aux PSCA de partager certaines informations sur les transactions entre prestataires. Cette règle, bien qu’essentielle, est complexe à appliquer aux caractéristiques spécifiques de la blockchain.
À ce jour, plusieurs protocoles concurrents existent, mais aucune solution universelle n’a encore émergé. Il est également à noter que les prestataires établis sur la place semblent peu à peu délaisser l’idée d’intégrer les fonctionnalités nécessaires à la mise en place de la Travel Rule.
Les PSCA doivent donc jongler avec plusieurs solutions technologiques pour s’assurer de leur conformité.
Pour en savoir plus sur l'utilisation des Outils d’Analyse Transactionnelle dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent, nous vous invitons à consulter le guide complet rédigé par RegSharp.
Ce guide propose une analyse détaillée des différents outils disponibles sur le marché, de leurs fonctionnalités, ainsi que des bonnes pratiques à adopter pour assurer la conformité des PSCA. Il s'agit d'une lecture essentielle pour tous ceux qui souhaitent approfondir leur compréhension des enjeux réglementaires dans le secteur des actifs numériques.
RegSharp est un cabinet de conseil en conformité tourné vers l’innovation, composé uniquement d’experts de la réglementation financière et bancaire et plus particulièrement celle encadrant les nouveaux services de paiement, la monnaie électronique, les services en financement participatif ainsi que les services sur cryptoactifs. Les consultants définissent et participent à la mise en place des dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme au sein des établissements assujettis.
RegSharp développe une approche pragmatique de la conformité avec l’objectif permanent de trouver un équilibre entre le respect de la réglementation et la création de valeur de ses clients. Outre une expertise réglementaire pointue, RegSharp a su développer une connaissance approfondie du fonctionnement des organes de supervision et de contrôle dans l’espace européen. Le travail réalisé depuis plus de 15 ans par ses consultants a fait de RegSharp un cabinet de conseil reconnu par ces autorités.
Pour en savoir plus sur RegSharp, ses services et son expertise, nous vous invitons à consulter son site Web.
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