Le cadastre : de la tablette d’argile à la blockchain

Le cadastre : de la tablette d’argile à la blockchain

 

La blockchain au cœur de l’évolution du secteur foncier et immobilier

Le numérique s’est invité progressivement dans le secteur foncier et immobilier. A la fin des années 90, les petites annonces de vente ou de location qui figuraient sur les journaux papier ont été relayées sur des sites web puis indexées et dotées de moteurs de recherche multi-critères, avec des sites comme De particulier à particulier. Plus récemment, des plateformes de mise en relation entre bailleurs et locataires, ont court-circuité les acteurs traditionnels de location à courte durée, à l’image de la société Airbnb.

Actuellement, la mutation de ce secteur est plus radicale et consiste en la numérisation de l’immobilier et du foncier. Outre la domotique, avec l’intégration d’objets connectés dans les lieux de vie, deux approches complémentaires sont à l’œuvre pour transcrire et repenser les biens fonciers et immobiliers dans un écosystème numérique : le Building Information Modeling (BIM) et la blockchain. Le premier, le BIM, a pour fonction de décrire un bien immobilier, avec des données complexes, utiles à la chaîne de construction et à la réfection, en s’appuyant notamment sur des modélisations 3D de l’immeuble et de ses composants. Le second, la blockchain, promet, à terme, une authentification décentralisée, plus rapide, efficace et flexible que celle des registres fonciers tenus par les administrations publiques avec le concours des notaires.

 

La désintermédiation par les smart-contracts

Si le web 2.0 a marqué le passage d’une médiation traditionnelle à une e-médiation, l’ère de la blockchain pourrait être celle de la désintermédiation, c'est-à-dire des interactions directes authentifiées. Néanmoins, pour l’instant, dans le secteur foncier et immobilier, une telle évolution est largement tributaire, au moins en terme de visualisation, d’un méta-outil développé par un géant américain du numérique, Google Earth, ce qui impose une mise en perspective du projet de décentralisation de ce secteur par la blockchain.

 

Les projets blockchain en matière foncière et immobilière

Plusieurs projets sont en cours dans ce domaine, notamment le projet Bitland (Cadastral), le projet entre le Honduras, Epigraph et Factom, ou encore le projet Rex MLS. Des entreprises de premier plan, comme Deloitte, mènent également des recherches actives pour profiter de la blockchain dans le secteur immobilier.

 

Le projet Bitland – Cadastral : l’ONG expérimente sa blockchain au Ghana

Le projet Bitland est conçu pour proposer un registre décentralisé fonctionnant avec la blockchain pour des territoires ne disposant pas de système cadastral opérationnel. Le projet initial vise à pallier cette déficience administrative au Ghana, État dans lequel la propriété foncière privée est particulièrement difficile à faire valoir. Le projet a pour ambition de permettre d’attester de la propriété sur un bien foncier ou immobilier, ce qui faciliterait, notamment, d’après les initiateurs du projet, l’accès au crédit hypothécaire et aurait pour effet de dynamiser l’activité économique en général.

Le projet Bitland a déjà réalisé une Initial Coin Offering (ICO) en août 2016, avec l’émission de son token Cadastral qui pourra être utilisé pour accéder à l’application et enregistrer des titres fonciers, régler des litiges, acheter des terrains et accéder au micro-crédit pour des projets commerciaux.

 

 

Le Honduras s’appuie sur les startups Epigraph et Factom pour créer un outil cadastral

Le Honduras étudie depuis 2015 la mise en place d’un système cadastral reposant sur la technologie blockchain et un partenariat a été signé avec les sociétés américaines Factom et Epigraph avec l’objectif assumé de combattre les dysfonctionnements administratifs et la corruption dans la gestion des registres cadastraux du Honduras.

Si le projet n’est pas encore abouti, cette démarche gouvernementale a été accueillie très favorablement par la société civile hondurienne, notamment par la Fondation Eléutera qui soutient fermement ce projet et a publié une étude sur le bénéfice de l’usage de la blockchain en matière d’administration foncière au Honduras.

 

Rex MLS : la plateforme de données immobilières basée sur Ethereum

La plateforme de Rex MLS permet de renseigner des informations sur des biens immobiliers (localisation, photographie, superficie, rendement locatif, voisinage, taxes, documents légaux, certificats…). Cette plateforme incite les usagers à monétiser des données en matière immobilière. Il est ainsi possible d’acheter avec ces tokens Rex, token ERC 20 basés sur le protocole Ethereum, des informations sur l’état du marché et sur les prix de vente dans un quartier particulier à partir de données authentifiées par la communauté d’usagers. Cette plateforme prévoit également des modules d’échange entre agents immobiliers et permet d’utiliser des tokens Rex, pour obtenir des données sur un bien immobilier téléversées par un autre utilisateur de la plateforme.

 

 

Le token Rex n’est pour l’instant listé que sur des exchanges secondaires et s’échange au cours du 20 février 2018 à 0,87 dollar l’unité avec une capitalisation de 7,5 millions de dollar (classée 531ème sur le site Coinmarketcap en fonction de ce critère). Cette capitalisation faible par rapport à d’autres crypto-monnaies s’explique notamment par plusieurs approximations de l’équipe de développement, notamment lors de l’ICO avec la perte de plus d’un million de dollar en Ethereum à la suite d’un envoi sur une mauvaise adresse de wallet

 

Vers une multiplication des usages de la blockchain dans le secteur immobilier

Le cabinet d’audit et de conseil Deloitte s’est positionné sur la blockchain avec plusieurs projets, notamment dans le secteur immobilier.

En décembre 2016, Deloitte Netherlands annonçait sur son site avoir mis en place avec la municipalité de Rotterdam le premier registre locatif fondé sur la blockchain.

En 2017, Deloitte Center for Financial Services publiait une brochure pour promouvoir auprès de ses clients l’usage de la blockchain en matière d’immobilier commercial en présentant l’intérêt de cette technologie en matière de partage de données certifiées, de transfert de titre de propriété ou encore de gestion du cautionnement.

 

Le cadastre en blockchain, vers l’évolution d’un des piliers du droit ?

Si les projets initiés dans le secteur foncier et immobilier sont porteurs d’un point de vue technologique, sociétal, géologique et économique, leur impact effectif dépendra en grande partie de leur accueil par les administrations et du traitement qui leur sera réservé par des législateurs, rarement enclin à faire évoluer des piliers du droit.

Pour autant, en droit français, il faut noter que la preuve de la propriété immobilière est libre. Ainsi, en cas de litige portant sur un droit de propriété immobilier, rien ne s’opposerait a priori, à ce qu’une partie au litige apporte la preuve de son droit avec des données issues d’une blockchain cadastrale.

 

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